“Đừng bao giờ
cao giọng nhắc tới ông ta ở đây, mọi người sẽ chế nhạo ông”, Cioran thì
thầm bên
tai Milan Kundera, khi ông tính phọt ra cái tên Anatole France
Éditorial
II y a des idées ...
Par JOSEPH
MACE-SCARON
«Il y a des
idées qui sont comme des attentats », écrit Milan
Kundera dans L'Insoutenable Légèreté de
l'être. Cette mise
en garde revient à l'esprit à la lecture d'Une rencontre.
Et spécialernent quand
l'auteur souligne
cette curieuse et furieuse maladie qu'est l'amour des
listes en géneral, et des listes noires en particulier. Il relève que
ces
dernieres étaient déjà la grande passion des avant-gardes parisiennes
dans les
années qui précèderent la Premiere Guerre mondiale. Kundera en fait la
découverte
en traduisant un petit manifeste de 1913 d'Apollinaire qui distribue «
généreusernent
» les «merdes » et les « roses », D'un coup de plume, les illustres
figures de
Dante, Shakespeare, Tolstoi, Foe, Whitman, Baudelaire ... deviennent
toutes
breneuses, pour reprendre un des termes sauvés par Alain Rey. Plus
sérieusement,
cette manie d'établir des listes s'installe, à cette date, durablement.
Elle
dynamite le gout, fait exploser le jugement, réduit en miettes toute
analyse.
Une élite autoproclamée fabrique des opinions; « elle ne les propage
pas par
des études critiques, des discussions savantes, mais par des formules
epatantes, des jeux de mots, des vacheries brillantes (2) ». Avant de
dire si
vous aimez tel ou tel écrivain, il vous faudra vérifier s'il se trouve
ou non
sur la bonne liste. Misère.« Ne prononcezjamais ici son nom à haute
voix, tout
le monde se moquera de vous », chuchote Cioran à l'oreille de Kundera.
Le
romancier s'apprêtait à lacher le nom d'Anatole France, stipendié par
les surréalistes,
présenté comme le représentant de « l'ignominie francaise », pour
reprendre le
mot d'Aragon. Aujourd'hui, Kundera lui rend un vibrant hommage. Est-ce
parce
que Les dieux ont soif ou La Révolte des
anges ont retrouvé leur
place? Non. C'est tout simplement parce que Milan Kundera est inscrit à
son
tour sur la longue liste noire et qu'il s'en moque.
Une
rencontre
MILAN
KUNDERA
Ed.
Gallimard,210 p., 17,90 €.
Cette
rencontre, nous dit Milan Kundera, c'est celle « de mes réflexions et
de mes
souvenirs; de mes vieux thèmes (existentiels et esthetiques) et de mes
vieux amours
(Rabelais, Janacek, Fellini, Malaparte ... ) ». Dans cet essai bref et
dense où
bien d'autres noms apparaissent (Francis Bacon, Beethoven, Schonberg,
Anatole
France, Philip Roth, Juan Goytisolo ... ), l'auteur du Livre
du rire et de l'oubli décline sur le mode de l'hommage
admiratif, et de la même voix mélancolique et implacable, les thèmes
qui nous ont
rendu ses romans si précieux: l'humour nécessaire contre le « désert du
sérieux
», la beauté, l'art comme seule justification et unique consolation,
l'ironie
qui désagrège les grandes postures et les innombrables impostures que
recèle
toute société humaine, le désastre de la politique, de la sanglante
ignominie
totalitaire à la farce démocratique. Le dédain du sentimentalisme qui
lui fait
préférer « la beauté lavée de la saleté affective ». En somme, le
scepticisme
fondamental et fécond face a cet « accident dénue de sens qu'est la vie
», que
sauvent pourtant l'art et la pensée : tels ces détenus du camp de
Terezin,
promis par les nazis à une mort certaine, qui profiterent des visites
de la
Croix-Rouge pour organiser des concerts, des expositions, des pièces de
théatre,«
afin que la vie ne flit pas réduite à la seule dimension de l'horreur
». En
neuf chapitres, Kundera rappelle qu'un artiste est aussi la somme de
ses héritages.
Cette rencontre, c'est aussi cette fameuse tenaille de la tradition et
de la
modernité. Deux mondes qui se complètent sans s'exclure, Schonberg et
Xenakis,
ce compositeur sans héritage, n'obliterant pas Beethoven ou Janacek.
C'est la réhabilitation
d'Anatole France - inscrit sur la “liste noire» des gloires à oublier
par la
doxa avant-gardiste parisienne -, dont Les
dieux ont soif eurent tant
d'importance pour le jeune Kundera, alors enfermé dans la nasse
totalitaire. «
Les pays décentralises diluent la mechanceté, note plaisamment l'auteur
, les
centralises la condensent.» Que reste-t-il ? Le constat amer de la
répétition
tragique des scandales de l'Histoire; l'admiration, et cette valeur
ultime,
l'amitié « La fidelité à un ami est une vertu, peut-être la seule, la
dernière.”+
BERNARD
FAUCONNIER
Le Magazine
Littéraire Mai, 2009