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Một
con thỏ ở Patagonie
Hồi
ký của Claude Lanzmann
Amos Oz cho biết, khi coi phim Shoah, une
histoire orale de l’Holocauste, của đạo diễn Claude Lanzmann, một
trong những xen rất ư là bình thường, chẳng có tính điện ảnh, nhưng bám
chặt vào ký ức ông. Đó là xen, kéo dài chừng 15 phút, chiếu cảnh
Hilberg - ngồi trong căn phòng xinh xắn, tại nhà của ông, ở Vermont,
[người ta nhìn thấy, qua cửa sổ, bên ngoài cây cối, tuyết, bên trong,
những cuốn sách, ngọn đèn bàn] - giải thích cho nhà đạo diễn Claude
Lanzmann, nội dung một tài liệu đánh máy, tiếng Đức, chừng 15 dòng, gồm
những dẫy số.
Một “ordre de route”, (lệnh chuyển vận) của chuyến xe lửa số 587, do
Gestapo Berlin,
chuyển cho Sở Hoả Xa Reich, “lưu hành nội bộ”.
Một bí mật nằm ở nấc thang chót, của bộ máy giết người.
Hilberg giải thích: “Chìa khóa tâm lý của toàn thể chiến dịch, là:
không bao giờ được sử dụng những từ có ý nghĩa hoàn toàn rõ rệt. Tối
giản tối đa, chừng nào còn có thể tối giản, ý nghĩa của chiến dịch sát
nhân, đưa người tới Lò Thiêu. Ngay cả dưới mắt của chính những tên sát
nhân.”
Thú thực, trước đây, nói gì thì nói, Gấu vẫn không hiểu tới tận nguồn
cơn, tại làm sao mà lại gọi "đi tù" là "đi học tập cải tạo", tại sao
lại dùng một mỹ từ như thế, cho một từ bình thường như thế, như thế,
như thế... cho đến khi đọc Oz.
*
Shoah, chuyện lời, une histoire orale, của Lò Thiêu, là
cuốn phim mãnh liệt nhất, mà tôi [Oz] đã từng coi. Đây đúng là một sáng
tạo chuyển hóa [transformer] khán giả. Một khi coi nó, là bạn, khác đi.
Sau khi té xỉu ở vị trí nhân chứng trong vụ án Eichmann, tác giả
Ka-Tzenik nói, Auschwitz là một "hành
tinh tro" ["une planète de cendres"].
[Vào dịp tưởng niệm 50 năm Lò Thiêu, những người tới đây nhận xét, nước
hồ ao quanh Lò Thiêu vẫn còn mầu xám, do tro người đổ xuống, thiên
nhiên, sau 50 năm, vẫn chưa thể nào quên, huống chi con người].
Theo ông, sự huỷ diệt dân Do Thái đã xẩy ra tại một hành tinh khác,
"hành tinh tro", vì thế, những người không hiện diện, không chứng kiến,
muôn đời, đời đời, không thể nào hiểu được.
Cũng vẫn theo nghĩa đó, những nhà giáo sư, những nhân vật quan trọng
trong công chúng cố nhét vào đầu chúng ta ý tưởng, rằng, một biến cố
phi nhân, ma quỉ, siêu hình, đã xẩy ra, "không thể nói được", "không
thể hiểu được".
Cứ như thể Lịch sử bỗng gẫy ra làm đôi, và được đem trồng lại,
transplanter, tại một thế giới khác.
Chỉ nội cái từ Lò Thiêu không thôi, là đã nói lên cái tính "bên
ngoài-con người", extra-humaine, của sự hủy diệt. Lò Thiêu là một vụ nổ
bùng, explosion, của những sức mạnh thiên nhiên, vượt ra ngoài trách
nhiệm của con người, một thiên tai như động đất, lũ lụt.
Phim của Lamzmann khởi đi từ một quan điểm hoàn toàn ngược hẳn. Mặc dù
sự lựa chọn từ hebreu, Shoah, ông đề nghị, có thể hiểu
được sự huỷ diệt có tên là Lò Thiêu, ở bên trong lòng của lịch sử.
*
LE LIVRE DU MALHEUR
ABSOLU
CHAQUE CAMP a son style, sa spécialité, ses
mœurs. L'ignominie a beaucoup de couleurs. Les Jours de notre mort, le roman
de David Rousset (paru en 1947, réédité) peut se lire comme une
typologie des néants: Buchenwald, certes, est atroce et pourtant, avec sa
forte densité d'intellectuels, il dessine un gigantesque dédale au fond
duquel clignotent encore quelques lueurs. Rien de tel à Auschwitz, la
grande manufacture où brûlent les juifs, ou bien à Birkenau, le camp de
l'opulence parce que les cendres font des engrais et que ses magasins
contiennent 6 300 kilos de cheveux de femmes mortes. Porta, lui, est
installé près d'une petite ville tranquille, dans un paysage doux et
frais. Le jour où David Rousset y est transféré, il aperçoit, sur la
place de la ville, des tramways, des petits garçons et des petites
filles qui vont à l'école avec leurs cartables.
On se demande comment des hommes ont pu
survivre à l'infamie. David Rousset suggère des réponses. Les SS furent
contraints de déléguer une part de leurs tâches aux détenus. Les SS
font garder le bétail par le bétail lui-même. Le système a deux vertus:
il décharge les SS de leurs besognes les plus viles et il accélère la
décomposition de la société concentrationnaire en fabriquant, au sein
même de celle-ci, des privilégiés et des esclaves. La horde
concentrationnaire était par vocation une horde de la haine. Dans la
fosse de Babel, tout conspire à la guerre: les Polonais détestent les
juifs presque autant que les SS. Les Polonais et les Russes se
méprisent. Les Français sont tenus pour des égoïstes, des dégénérés et,
d'ailleurs, ils sont frileux comme tout.
Les SS disposent d'un autre instrument, plus redoutable: dans la foule
concentrationnaire figurent, d'une part, les "droit commun" et, d'autre
part les politiques. Une complicité gluante unit les SS aux "droit
commmun ", qui partagent le même goût du meurtre. Aussi les camps dans
lesquels les criminels, avec le soutien des SS, ont pris le pouvoir
sont-ils des camps tragiques - Dora, Birkenau ou à Mauthausen. Au
contraire à Dachau, à Sachsenhausen, à
Neuengamme ou Buchenwald, les politiques ont
le pouvoir. Et on admire que ces hommes, ces révolutionnaires
(communistes ou marxistes) n'aient pas été abandonnés de l'espérance.
Au plus noir du gouffre, ils n'avaient d'autre passion que de préparer
la terre à venir.
Gilles
Lapouge (6 Janvier 1989)
Le
Monde. Dossiers & Documents. Mai, 2005
*
Simone
de Beauvoir viết về phim Shoah của
Lanzmann.
Thật khó mà nói về phim này. Có điều gọi là huyền thuật ở trong đó, mà,
huyền thuật làm sao diễn tả?
“Shoah”, la mémoire de
l’horreur
PENDANT dix ans, l'écrivain
cinéaste a
recherché les
protagonistes - acteurs, victimes, témoins - du . génocide du peuple
juif. Une
longue quête que commente ici son amie Simone de Beauvoir.
Il
n'est pas facile de
parler
de Shoah. Il y a de la magie dans ce
film, et la magie ne peut pas s'expliquer. Nous avons lu, après la
guerre, des
quantités de témoignages sur les ghettos, sur les camps
d'extermination; nous
étions bouleversés. Mais, en voyant aujourd'hui l'extraordinaire film
de Claude
Lanzmann, nous nous apercevons que nous n'avons rien su. Malgré toutes
nos
connaissances, l'affreuse expérience restait à distance de nous. Pour
la
première fois, nous la vivons dans notre tête, notre cœur, notre chair.
Elle
devient la nôtre.
Ni
fiction ni documentaire,
Shoah réussit cette re-création du passé avec une étonnante ai économie
de
moyens: des lieux, des voix, des visages. Le grand art de Claude
Lanzmann est
de faire parler les lieux, de les ressusciter à travers les voix, et,
par-delà
les mots, d'exprimer l'indicible par des visages.
Les lieux. Un des
grands
soucis des nazis a été d'effacer toutes
les traces; mais ils n'ont pas pu abolir toutes les mémoires et, sous
les
camouflages - de jeunes forêts, l'herbe neuve -, Claude Lanzmann a su
retrouver
les horribles réalités. Dans cette prairie verdoyante, il y avait des
fosses en
forme d'entonnoir où des camions déchargeaient les juifs asphyxiés
pendant le
trajet. Dans cette rivière si jolie, on jetait les cendres des cadavres
calcinés. Voici les fermes paisibles d'où les paysans polonais
pouvaient
entendre et même voir ce qui se passait
dans les camps. Voici les villages aux belles maisons anciennes d'où
toute la
population juive a été déportée.
Claude
Lanzmann nous montre
les gares de Treblinka, d'Auschwitz, de Sobibor. Il foule de ses pieds
les «
rampes », aujourd'hui couvertes d'herbe, d'où des centaines de milliers
de
victimes étaient chassées vers la chambre à gaz. Pour moi, une des plus
déchirantes de ces images, c'est celle qui représente un entassement
de
valises, les unes modestes, d'autres plus luxueuses, toutes portant des
noms et
des adresses. Des mères y avaient soigneuseement rangé du lait en
poudre, du
talc, de la Blédine. D'autres, des vêtements, des vivres, des
médicaments. Et
nul n'a eu besoin de rien.
Les voix. Elles
racontent; et
pendant la plus grande partie du film, elles disent toutes la même
chose:
l'arrivée des trains, l'ouverture des wagons d'où s'écroulent des
cadavres, la
soif, l'ignorance trouée de peur, le déshabillage, la « désinfection »,
l'ouverture des chammbres à gaz. Mais pas un instant nous n'avons
l'impression
de redite.
D'abord
à cause de la
différence des voix. Il y a celle,
froide, objective - avec à peine au début quelques frémissements
d'émotionn de Franz Suchomel, le SS Unterscharfführer de Treblinka;
c'est lui
qui fait l'exposé le plus détaillé de l'extermination de chaque convoi.
Il y a
la voix un peu troublée de certains Poloonais: le conducteur de
locomotive que
les Allemands soutenaient à la vodka, mais qui suppportait mal les cris
des
enfants assoiffés; le chef de gare de Sobibor, inquiet du silence tombé
soudain
sur le camp
proche.
Mais, souvent, les voix des
paysans sont indifférentes ou même un peu goguenardes. Et puis il y a
des voix très
rares survivants juifs. Beaucoup supportent à peine de parler; leurs
voix se
brisent, ils fondent en larmes. La concordance de leurs récits ne lasse
jamais,
au contraire. On pense à la répétition voulue d'un thème musical ou
d'un leitmotiv.
Car c'est une composition musicale qu'évoque la subtile construction de
Shoah
avec ses moments où culmine l'horreur, ses lamentos, ses plages
neutres. Et
l'ensemble est rythmé par le fracas presque insoutenable des trains qui
roulent
vers les camps.
Les visages. Ils en
disent
souvent bien plus que des mots. Les paysans polonais affichent de la
compassion. Mais la plupart semblent indifférents, ironiques ou même
satisfaits. Les visages des juifs s'accordent avec leurs paroles. Les
plus
curieux sont les visages allemands. Celui de Franz Suchomel reste
impasssible,
sauf lorsqu'il chante une chanson à la gloire de Treblinka et que ses
yeux
s'allument. Mais chez les autres, l'expression gênée, chafouine, dément
leurs
protestations d'ignorannce, d'innocence.
Une
des grandes habiletés de
Claude Lanzmann a été en effet de nous raconter l'Holocauste du point
de vue
des victimes, mais ausssi de celui des « techniciens» qui l'ont rendu
possible
et qui refusent toute responsabilité. Un des plus caractéristiques,
c'est le
bureaucrate qui organisait les transports. Les trains spéciaux,
explique-t-il,
étaient mis à la disposition des groupes qui partaient en excursion ou
en
vacances et qui payaient demi-tarif. Un peu plus tard, l'historien
Hilberg nous
apprend que les juifs «transférés» étaient assimilés à des vacanciers
par
l'agence de voyages et que les juifs, sans le savoir, autofinançaient
leur
déportation, puisque la Gestapo la payait avec les biens qu'elle leur
avait
confisqués.
“Le dernier des juifs”. Un
autre exemple saisissant
du démenti opposé aux mots par un visage, c'est celui d'un des «
administrateurs » du ghetto de Varrsovie : il voulait aider le ghetto à
survivre, le préserver du typhus, affirme-t-il. Mais aux questions de
Claude
Lanzmann il répond en balbutiant, ses traits se décomposent, son regard
fuit.
Ainsi s'explique que le ghetto de Varsovie ne soit décrit qu'à la fin
du film,
quand nous connaissons déjà l'implacable destin des emmurés. La fin du
film
est, à mes yeux, admirable. Un des rares rescapés de la révolte se
retrouve
seul au milieu des ruines. Il dit qu'il connut alors une sorte de
sérénité : «Je suis le dernier des juifs et j'attends
les Allemands. » Et aussitôt nous voyons rouler un train qui
emporte une
nouvelle cargaison vers les camps.
Comme
tous les spectateurs,
je mêle le passé et le présent. J'ai dit que c'est dans cette
confusion que
réside le côté miraculeux de Shoah.
J'ajouterai que jamais je n'aurais imaginé une pareille alliance de
l'horreur
et de la beauté. Certes, l'une ne sert pas à masquer l'autre: au
contraire,
elle la met en lumière avec tant d'invention et de rigueur que nous
avons
conscience de contempler une grande œuvre. Un pur chef-d'œuvre.
SIMONE
DE BEAUVOIR (28 avril
1985)
Đọc
bài viết của Simone de Beauvoir, Gấu mới hiểu ra được, câu của
Adorno, sai!
Vẫn
có thơ, sau Lò Thiêu: J'ajouterai
que
jamais je n'aurais imaginé une pareille alliance de l'horreur
et de la beauté.
Un pur chef-d'œuvre.
Le Lièvre
de Patagonie, par
Claude Lanzmann, Gallimard, 560 p. 25 euros (en librairie le 12 mars).
Que penser d'un
intellectuel
célèbre qui commence l'énorme roman de ses Mémoires par les mots
suivants : “La
guillotine - plus généralement la peine capitale et les différents
modes d'administration
de la mort - aura été la grande affaire de ma vie”? Qu'il est,
d'emblée, dans
le sujet même. Qu'il a compris que la mort est un scandale, et la vraie
vie
aussi. Que les bourreaux, à travers le temps, se ressemblent tous, de
même que
les victimes. Il a 5 ou 6 ans, Lanzmann, quand la guillotine lui
apparaît dans
un film. Il n'en dort plus. Il ne dormira pas, non plus, au moment de
la guerre
d'Algérie, quand une exécution aura lieu à l'aube. La Terreur, c'est ça
: “Une
même lignée de bureaucrates bouchers servant sans faillir les maîtres
de
l'heure, ne laissant aucune chance aux inculpés, refusant de les
entendre, les
insultant, ordonnant les débats vers une sentence rendue avant même
leur
ouverture.” L'abolition de la peine de mort et de la guillotine, en France, est récente, mais partout
l'horreur
continue : aux Etats-Unis, en Chine, en Irak, en Afghanistan
et ailleurs. Lanzmann,
parce qu'il est un grand vivant, est hanté par toutes ces scènes, ces
derniers
regards, ces derniers instants. “J'aime la vie à la folie, dit-il, cent
vies ne
me lasseraient pas.” Il s'oblige à regarder des vidéos d'égorgements
islamiques
: Dieu se récite au couteau et détache des têtes. Lanzmann est révulsé
mais
voudra voir plus loin, là où on ne voit plus rien, et, un jour, après
douze ans
de tribulations extravagantes, ce sera « Shoah », ce chef-d'œuvre
au-delà des
images.
Qui a su, qui a senti, qui a
compris? Goya, sans doute, et Lanzmann a des pages de grande
inspiration sur le
« Tres de Mayo» et un dessin prophétique « Duel à coups de bâton». Mais
enfin,
lui-même a bel et bien eu cent vies, et il les a toujours puisqu'il sait les dire. Un livre où il y a une bonne
dizaine de livres, tous éclatants de précision, de détails parlants, de portraits
inoubliables. C'est Lanzmann, avec ironie et
distance, parlant de sa mère explosive et embarrassante, de son père
silencieux
dans la Résistance. C'est Lanzmann à 18 ans, au lycée Blaise-Pascal, à Clermont-Ferrand,
transportant des armes avec l'aide du
Parti communiste. Il y a là une charmante Hélène de son âge, et ils
s'embrassent
à n'en plus finir dans les rues pour échapper à la Gestapo (les armes
sont dans
la valise). C'est Lanzmann toujours plus ou moins réfractaire et
clandestin
dans le maquis. La narration saute d'une époque à l'autre, revient,
repart, art
extrême du montage, avec mémoire visuelle instantanée. C'est Lanzmann à
Berlin
et en Israël,
faisant du planeur et apprenant à piloter. C'est Lanzmann philosophe
avec ses
amis d'alors, notamment Deleuze qui sera le peu glorieux amant de sa
sœur,
Evelyne, avant que celle-ci soit séduite par Sartre, et finisse de
façon
tragique. Tragédies, suicides, mais aussi comédies. C'est Lanzmann
étudiant
déguisé en curé pour de fausses quêtes, petit voleur de livres au
quartier
Latin. C'est Lanzmann au bordel et, plus tard, journaliste à «
France-Soir».
Des drames, sans doute, mais aussi beaucoup de générosité et de
liberté. C'est
Lanzmann dans l'aventure des « Temps modernes», et ce portrait de
Sartre : “Formidable
machine à penser, bielles et pistons fabuleusement huilés, montant en
puissance
jusqu'à plein régime.” “Les ennemis de Sartre se sont gaussés de sa
laideur, de
son strabisme, l'ont caricaturé en crapaud, en gnome, en créature
immonde et
maléfique ... je lui trouvais, moi, de la beauté, un charme puissant,
j'aimais
l'énergie extrême de sa démarche, son courage physique et par-dessus
tout cette
voix d'acier trempé, incarnation d'une intelligence sans réplique.” Et
puis,
bien entendu, Beauvoir, la cohabitaation avec elle, l'amour, puis
l'amitié et,
toujours, l'admiration. Sartre et Beauvoir :
"Ils m'ont aidé à penser, je
leur donnais à penser.” Les voyages épuisants avec Beauvoir, les
mauvaises
humeurs de Sartre, leurs angoisses, néantisantes chez lui, hurlantes et
pleurantes chez elle : la vie. Une vie d'aventurier un peu fou, si l'on
y
pense, comme le prouve sa rocambolesque et drolatique aventure en Corée
du Nord
avec une infirmière sans cesse surveillée par la police totalitaire. Il
est
dedans il est dehors. Quand on lui demande, à New
York,
après la projection de « Pourquoi Israël», si sa patrie est Israël ou
la France,
il a cette
réponse qui le résume : “Ma patrie, c'est mon film”.
Et c'est le voyage vers le
soleil noir de « Shoah», le film le plus antispectaculaire qu'on n'ait
jamais
conçu et réalisé. Dés le début, Lanzmann sait qu'il n'utilisera pas les
images
d'archives ni les récits des survivants. Il ne fait pas un film sur la
survie
mais sur la mort elle-même, celle dont personne ne revient, celle des
chambres
à gaz. Il va donc retrouver les rares rescapés des Sonderkommandos
(commandos spéciaux)
qui officiaient dans l'enfer lui-même. On connaît leurs noms:
l'extraordinaire
Filip Müller, ou encore, séquence centrale, Abraham Bomba, le coiffeur
de
Treblinka. Et voici le cercles infernaux : Birkenau, Belzec, Sobibor,
Treblinka, Maïdanek. Non pas un film sur l'horrible routine
concentrationnaire,
mais sur la mécanique de l'extermination. Pour cela, il faut retrouver
aussi
les tueurs nazis, les identifier, les pister, et surtout les faire
parler avec
caméra dissimulée et ruses diverses. Douze ans de cavales et de
recherches,
donc, avec des moments de désesspoir lorsque l'argent manque et qu'il
commprend
que personne ne réalise vraiment ce à quoi il veut aboutir. Il est aux
Etats-Unis pour trouver un financement, et la question qu'on lui pose
est: “What
is your message?” Pas le moindre message d'espoir, de consolation, de
rédemption?
Non. Du coup, précise Lanzmann, “Il n'y a pas un dollar américain dans
le
budget de "Shoah"». Voilà la grande
«A BIRKENAU, LES LIÈVRES SE
GLISSAIENT SOUS LES BARBELÉS PENDANT QU'AVAIT LIEU
L'ÉPOUVANNTABLE MASSACRE.»
démonstration : les humains,
pour fuir la mort, ont besoin d'images, ils veulent vivre dans des
images et
dans des faux films, ils font tout pour ne pas savoir l'extrême (3 000
personnes
étouffées ensemble, hommes, femmes, enfants). « Shoah» (comme « Sobibor
»,
autre chef-d'œuvre montre bel et bien l'impensable et l'irrespirable.
On commémore
pour éviter la mort, on vit sa petite vie de devoir de mémoire, on
institue
l'oubli, on ne veut pas que le mal existe en soi et pour soi.
Révélatrice sont
les réactions de fuite ou d'effroi religieux que Lanzmann rencontre (le
rabbin
Sirat, le cardinal Lustiger ... ). Non, le mal n'est pas « banal », il
est
absolu, et c'est pourquoi l'œuvre et la grande vie de Lanzmann sont des
événements métaphysiques. Il a imposé au tourbillon du spectacle sa
technique
obstinée de questionneur. “A Birkenau, rappelle-t-il, les lièvres se
glissaient
sous les barbelés pendant qu'avait lieu l'épouvantable massacre.”
Longtemps
après, en Patagonie, Lanzmann voit soudain un lièvre dans les phares de
sa
voiture. Il a 70 ans, mais il écrit que, comme à 20 ans, tout son être
s'est
mis à bondir d'une “joie sauvage”. Son livre, d'un bout à l'autre, dit
cette
joie.
PHILIPPE SOLLERS
Lire également
l'entretien
avec Claude Lanzmann dans nos pages "Débats".
Người
Quan sát Mới,
5-11.3.2009
Bài
viết thật tuyệt vời về
Lanzmann và về "Shoah", một phim về Lò Thiêu của Nazi.
Tin Văn sẽ có bản tiếng Việt, sau.
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