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Person
of the Year 2010
For connecting more than half
a billion people and mapping the social relations among them, for
creating a
new system of exchanging information and for changing how we live our
lives,
Mark Elliot Zuckerberg is TIME's 2010 Person of the Year
Only Connect
By Richard Stengel Wednesday,
Dec. 15, 2010
"On or about December 1910,
human character changed"
— Virginia Woolf, 1924
She was exaggerating — but
only a little. Woolf saw a fundamental shift in human relations taking
place at
the beginning of the 20th century "between masters and servants,
husbands
and wives, parents and children." Those changes, she predicted, would
bring about transformations in every sphere of life, from religion to
politics
to human behavior. Few would say she got it wrong.
A century later, we are
living through another transition. The way we connect with one another
and with
the institutions in our lives is evolving. There is an erosion of trust
in
authority, a decentralizing of power and at the same time, perhaps, a
greater
faith in one another. Our sense of identity is more variable, while our
sense
of privacy is expanding. What was once considered intimate is now
shared among
millions with a keystroke.
More than anyone else on the
world stage, Facebook's Mark Zuckerberg is at the center of these
changes. Born
in 1984, the same year the Macintosh computer was launched, he is both
a
product of his generation and an architect of it. The social-networking
platform he invented is closing in on 600 million users. In a single
day, about
a billion new pieces of content are posted on Facebook. It is the
connective
tissue for nearly a tenth of the planet. Facebook is now the third
largest
country on earth and surely has more information about its citizens
than any
government does. Zuckerberg, a Harvard dropout, is its T-shirt-wearing
head of
state. (See portraits of TIME's 2010 Person of the Year: Mark
Zuckerberg.)
Evolutionary biologists
suggest there is a correlation between the size of the cerebral
neocortex and
the number of social relationships a primate species can have. Humans
have the
largest neocortex and the widest social circle — about 150, according
to the
scientist Robin Dunbar. Dunbar's
number — 150
— also happens to mirror the average number of friends people have on
Facebook.
Because of airplanes and telephones and now social media, human beings
touch
the lives of vastly more people than did our ancestors, who might have
encountered only 150 people in their lifetime. Now the possibility of
connection is accelerating at an extraordinary pace. As the great
biologist
E.O. Wilson says, "We're in uncharted territory."
All social media involve a
mixture of narcissism and voyeurism. Most of us display a combination
of the
two, which is why social media are flourishing faster and penetrating
deeper
than any other social development in memory. Social media play into the
parts
of human character that don't change, even while changing the nature of
what
once seemed immutable. (See pictures of Facebook's overseas offices.)
Like two of our runners-up
this year, Julian Assange and the Tea Party, Mark Zuckerberg doesn't
have a
whole lot of veneration for traditional authority. In a sense,
Zuckerberg and
Assange are two sides of the same coin. Both express a desire for
openness and
transparency. While Assange attacks big institutions and governments
through
involuntary transparency with the goal of disempowering them,
Zuckerberg
enables individuals to voluntarily share information with the idea of
empowering them. Assange sees the world as filled with real and
imagined
enemies; Zuckerberg sees the world as filled with potential friends.
Both have
a certain disdain for privacy: in Assange's case because he feels it
allows
malevolence to flourish; in Zuckerberg's case because he sees it as a
cultural
anachronism, an impediment to a more efficient and open connection
between
people.
At 26,
Zuckerberg is a year older than our first
Person of the Year, Charles Lindbergh — another young man who used
technology
to bridge continents. He is the same age as Queen Elizabeth when she
was Person
of the Year, for 1952. But unlike the Queen, he did not inherit an
empire; he
created one. (The Queen, by the way, launched a Facebook page this
year.)
Person of the Year is not and never has been an honor. It is a
recognition of
the power of individuals to shape our world. For connecting more than
half a
billion people and mapping the social relations among them (something
that has
never been done before); for creating a new system of exchanging
information
that has become both indispensable and sometimes a little scary; and
finally,
for changing how we all live our lives in ways that are innovative and
even
optimistic, Mark Elliot Zuckerberg is TIME's 2010 Person of the Year
Timothy Snyder
“Shoah”,
la mémoire de
l’horreur
PENDANT dix ans, l'écrivain
cinéaste a recherché les protagonistes - acteurs, victimes, témoins -
du .
génocide du peuple juif. Une longue quête que commente ici son amie
Simone de
Beauvoir.
Il n'est pas facile de parler de Shoah.
Il y a de la magie dans ce film, et la magie ne peut pas s'expliquer.
Nous
avons lu, après la guerre, des quantités de témoignages sur les
ghettos, sur
les camps d'extermination”; nous étions bouleversés. Mais, en voyant
aujourd'hui l'extraordinaire film de Claude Lanzmann, nous nous
apercevons que
nous n'avons rien su. Malgré toutes nos connaissances, l'affreuse
expérience
restait à distance de nous. Pour la première fois, nous la vivons dans
notre
tête, notre cœur, notre chair. Elle devient la nôtre.
Ni fiction ni documentaire, Shoah réussit cette re-création du passé
avec
une étonnante ai économie de moyens: des lieux, des voix, des C
visages. Le
grand art de Claude Lanzmann est de faire parler les lieux, de les
ressusciter
à travers les voix, et, par-delà les mots, d'exprimer l'indicible par
des
visages.
Les Lieux. Un des grands soucis des nazis a été
d'effacer toutes les traces; mais ils n'ont pas
pu abolir toutes les
mémoires et, sous les camouflages - de jeunes forêts, l'herbe neuve -,
Claude
Lanzmann a su retrouver les horribles réalités. Dans cette prairie
verdoyante,
il y avait des fosses en forme d'entonnoir où des camions déchargeaient
les
juifs asphyxiés pendant le trajet. Dans cette rivière si jolie, on
jetait les
cendres des cadavres calcinés. Voici les fermes paisibles d'où les
paysans
polonais pouvaient entendre et même voir ce qui se
passait dans les camps. Voici les villages
aux g belles maisons anciennes d'où toute la population juive a été
déportée.
Claude Lanzmann nous montre les gares de Treblinka, d'Auschwitz, de
Sobibor. Il foule de ses pieds les « rampes », aujourd'hui couvertes
d'herbe,
d'où des centaines de milliers de victimes étaient chassées vers la
chambre à
gaz. Pour moi, une des plus déchirantes de ces images, c'est celle qui
représente un entasseement de valises, les unes modestes, d'autres plus
luxueuses, toutes portant des noms et des adresses. Des mères y avaient
soigneuseement rangé du lait en poudre, du talc, de la Blédine.
D'autres, des
vêtements, des vivres, des médicaments. Et nul n'a eu besoin de rien.
Les voix. Elles racontent; et
pendant la plus grande partie du film, elles disent toutes la même
chose:
l'arrivée des trains, l'ouverture des wagons d'où s'écroulent des
cadavres, la
soif, l'ignorance trouée de peur, le déshabillage, la « désinfection »,
l'ouverture des chammbres à gaz. Mais pas un instant nous n'avons
l'impression
de redite.
D'abord à cause de la différence des voix. Il y a celle, froide,
objective
- avec à peine au début quelques frémissements d'émotionnde Franz
Suchomel, le SS
Unterscharfführer de Treblinka; c'est lui qui fait l'exposé le plus
détaillé de
l'extermination de chaque convoi. Il y a la voix un peu troublée de
certains
Poloonais: le conducteur de locomotive que les Alleemands soutenaient à
la
vodka, mais qui suppportait mal les cris des enfants assoiffés; le chef
de gare
de Sobibor, inquiet du silence tombé soudain sur le camp proche.
Mais, souvent, les voix des paysans sont indifférentes ou même un peu
goguenardes. Et puis il y a des voix très rares survivants juifs.
Beaucoup
supportent à peine de parler; leurs voix se brisent, ils fondent en
larmes. La
concordance de leurs récits ne lasse jamais, au contraire. On pense à
la
répétition voulue d'un thème musical ou d'un leitmotiv. Car c'est une
composition musicale qu'évoque la subtile construction de Shoah avec
ses
moments où culmine l'horreur, ses lamentos, ses plages neutres. Et
l'ensemble
est rythmé par le fracas presque insoutenable des trains qui roulent
vers les
camps.
Les visages. ils en disent souvent bien plus que des mots. Les paysans
polonais affichent de la compassion. Mais la plupart semblent
indifférents,
ironiques ou même satisfaits. Les visages des juifs s'accordent avec
leurs
parooles. Les plus curieux sont les visages alleemands. Celui de Franz
Suchomel
reste impasssible, sauf lorsqu'il chante une chanson à la gloire de
Treblinka
et que ses yeux s'allument. Mais chez les autres, l'expression gênée,
chafouine, dément leurs protestations d'ignorannce, d'innocence.
Une des grandes habiletés de Claude Lanzzmann a été en effet de nous
raconter l'Holocauste du point de vue des victimes, mais ausssi de
celui des «
techniciens» qui l'ont rendu possible et qui refusent toute
responsabilité. Un
des plus caractéristiques, c'est le bureauucrate qui organisait les
transports.
Les trains spéciaux, explique-t-il, étaient mis à la disposition des
groupes
qui partaient en excursion ou en vacances et qui payaient demi-tarif.
Un peu
plus tard, l'historien Hilberg nous apprend que les juifs «transférés»
étaient
assimilés à des vacanciers par l'agence de voyages et que les juifs,
sans le
savoir, autofinançaient leur déportation, puisque la Gestaapo la payait
avec
les biens qu'elle leur avait confisqués.
“Le dernier des juifs”
Un autre exemple saisissant du démenti opposé aux mots par un visage,
c'est
celui d'un des « administrateurs » du ghetto de Varrsovie : il voulait
aider le
ghetto à survivre, le préserver du typhus, affirme-t-il. Mais aux
questions de
Claude Lanzmann il répond en balbutiant, ses traits se décomposent, son
regard
fuit. Ainsi s'explique que le ghetto de Varsovie ne soit décrit qu'à la
fin du
film, quand nous connaissons déjà l'implacable desstin des emmurés. La
fin du
film est, à mes yeux, admirable. Un des rares rescapés de la révolte se
retrouve
seul au milieu des ruines. Il dit qu'il connut alors une sorte de
sérénité : «Je suis le dernier des juifs et j'attends
les Allemands. » Et aussitôt nous voyons rouler un train qui
emporte une
nouvelle cargaison vers les camps.
Comme tous les spectateurs, je mêle le passsé et le présent. J'ai dit
que
c'est dans cette confusion que réside le côté miraculeux de
Shoah. J'ajouterai que jamais je n'aurais imaginé une pareille
alliance de l'horreur et de la beauté. Certes, l'une ne sert pas à
masquer
l'autre: au contraire, elle la met en lumière avec tant d'invention et
de
rigueur que nous avons conscience de contempler une grande œuvre. Un pur chef-d'œuvre.
SIMONE DE BEAUVOIR (28 avril
1985)
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