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Sartre phán,
trước 1 đứa trẻ chết đói, cuốn Buồn Nôn chẳng là cái
chó gì.
Nhưng, trước
1 đứa trẻ bị bố nó giết, thì sao?
Ðó
mới chính
là đề tài của Anh em nhà Karamazov,
theo một phê bình gia Nhật, Hideo Kobayaki (1902-1983). Từ trước tới
nay, người
ta quen đọc nó như là thảm kịch con giết bố, nhưng theo ông Nhật này,
phải đọc
ngược lại.
Bài viết của
ông, gây chấn động giang hồ!
Malraux,
Faulkner, và Camus, đọc mà còn không chịu nổi!
Những anh em nhà
Karamazov, Kinh cầu
một nữ tu, Requiem pour un nonne, Dịch hạch, La Peste,
như người ta nói, là những giả tưởng.
Thì người ta phải nói như vậy, và phải giả đò tin như vậy, ấy là bởi
vì, cái chết
mà chúng nói tới, chỉ là một phát kiến sa đích, une sadique invention,
của 1 tiểu
thuyết gia.
Nhưng vào ngày 16 Tháng Năm 1878, Dos mất đứa con trai, Alexei, 3
tuổi, và ông viết Les Frères
Karamazov. Ngày 16 Tháng Giêng, 1931, chỉ sau khi
sinh ra được vài ngày, thì đứa con đầu của Faulkner mất, một con gái
tên là
Alabama, và người ta nói, do nỗi đau này mà ông viết ra Lửa Tháng Tám,
Lumière
d’Aout. Camus may mắn không gặp nỗi đau này, nhưng đổi lại thì là căn
bịnh lao
mà ông ôm lấy! Nó cũng giống như 1 đứa trẻ đã chết ám ảnh mọi tác phẩm
của ông.
Chúng ta tự
hỏi, nếu Linda Lê không mang một đứa bé Việt đã chết ở trong lòng, làm
sao bà
viết?
« Et si la
souffrance des enfants ... »
Freud a fait
des Frères Karamazov le roman du parricide. Ce serait plutôt celui de
l'infanticide et de son insupportable scandale, selon un essai à
paraître, qui
convoque aussi Malraux, Faulkner et Camus.
Par PHILIPPE
FOREST
Il est un
livre, assez peu connu, du très grand critique japonais Hideo Kobayashi
(1902-19%), dont seulement quelques extraits ont été traduits en une
langue compréhensible
d'un lecteur occidental et avec lequel Kobayashi, en 1937, entreprit de
relater
la vie de Dostoïevski. D'après ce que l'on peut en savoir, l'ouvrage
constitue
moins une biographie au sens classique du terme qu'une réflexion sur
les
limites et la possibilité même d'un tel exercice critique. Un peu comme
Sartre
le fera à propos de Flaubert dans L'Idiot
de la famille, Kobayashi se demande au sujet de Dostoïevski ce que
l'on
peut comprendre d'un homme aujourd'hui. À la science étroite de
l'historien qui
collecte les faits et se figure ainsi « reconstituer un homme en
ramassant les parcelles
de sa dépouille », et puisque« l'Histoire ne peut exister si on ne
l'invente
pas », il oppose un autre art pour lequel la connaissance du passé
passe par le
recours assumé à l'imagination. «Je ne cherche pas, bien entendu, à
reproduire
Dostoïevski tel qu'il était, déclare Kobayashi. Ce serait le souhait
d'un idiot(l).
»
Dans un
texte à peine postérieur, puisqu'il date de 1941, Dentô (“Tradition”),
Kobayashi revient sur sa démarche et l'examine de façon tout à fait
pénétrante,
développant une pensée juste du rapport vrai que chaque lecteur
entretient avec
la littérature authentique. Afin de comprendre l'œuvre de Dostoïevski,
on peut,
explique-t-il, accumuler les informations relatives aux livres de
l'auteur, à
sa vie, à son époque. Mais le paradoxe est que plus la connaissance
objective
de ces données grandit et mieux apparaît le secret intact de l'œuvre
littéraire
qui ne se réduit pas à celles-ci. En ce sens, le savoir n'est pas vain.
Mais il
reconduit juste vers ce lieu de vérité où l'œuvre cesse d'être enjeu de
connaissance pour devenir motif de méditation, objet de contemplation.
Et c'est
pourrquoi la seule lecture de Dostoïevski qui vaille est celle qui nous
confronte enfin à l'énigme irrésolue de ses livres: «Retournant les
mains vides
au lieu d'où nous étions partis, pour la première fois, nous apprécions
vraiment l'œuvre d'art. [ ... ] Nous quittons le royaume du mystère et
traçons
des cercles autour de lui seulement pour découvrir que celui-ci demeure
insoluble. Mais la lumière qui en émane sot maintenant plus brillante,
et le
mystère est maintenant plus beau qu'auparavant (2). »
L'art du
biographe, du critique tel qu'il l'entend, Cobayashi l'illustre d'un
exemple
inattendu et singulier, donnant pour modèle de la compréhension vraie
du passé
une mère en deuil« à qui suffisent pour retracer le visage de son
enfant mort
les quelques objets qu'il lui a laissés et sa profonde tristesse» : «
Plus la
tristesse devient profonde, plus clairement la mère voit le visage de
son
enfant, peut-être plus clairement même que de son vivant (3). » On ne
sait pas
l'où vient à Kobayashi cette comparaison si curieuse qu'il place comme
en tête
de sa réflexion sur Dostoïevski, mais, au fond, il n'en est pas de plus
juste,
appliquée à un romancier qui a fait de toute son œuvre une longue
méditation
sur ce scandale qu'est la mort d'un enfant, cherchant à concevoir
quelle parole
de compassion ou bien de révolte appelle un tel scandale.
Tous les
lecteurs se souviennent, aucun ne peut les oublier, les formidables
paroles que
Dosstoïevski place dans la bouche d'Ivan Karamazov: « Et si la
souffrance des
enfants sert à parfaire la somme des douleurs nécessaires à
l'acquisition de la
vérité, j'affirme d'ores et déjà que cette vérité ne vaut pas un tel
prix. [
... ] Je préfère garder mes souffrances non rachetées et mon
indignation
persistante, même si j'avais tort!
D'ailleurs, on surrfait cette harmonie; l'entrée coû te trop cher pour
nous.
J'aime mieux rendre mon billet d'entrée. En honnête homme, je suis même
tenu à
le rendre au plus tôt. C'est ce que je fais. Je ne refuse pas
d'admettre Dieu,
mais très respectueusementje lui rends mon billet (4). »
Après Freud,
et à bon droit certainement, on a souvent lu Les Frères
Karamazov comme le grand roman du parricide. C'est faire
peu de cas cependant de la lettre d'un texte, rédigé par Dostoïevski
dans
l'immédiat après-coup de la perte de son fils, qui commence avec la
visite que
rend au starets Zosime une mère en deuil, qui atteint son paroxysme
d'intensité
dramatique avec les paroles d'Ivan, et qui se termine auprès de la
tombe du
jeune Ilioucha où se
fait entendre,
plus haute que la bénédiction d'Aliocha, la voix vacillante du vieux
capitaine
prononçant les anciens mots du psaume: « Si je t'oublie, Jérusalem! »
En ce
sens, et puisque tout enfant mort est semblable à l'innocente victime
sacrifiée
par la cruauté d'un père assassin, Les
Frères Karaamazov demanderaient, je crois, plus que comme celui du
parricide,
à être lu comme le roman de l'infanticide.
Tel fut,
sans doute, le sentiment de quelques-uns des plus grands écrivains du
siècle
passé. Dans Le Miroir des Limbes, à
plusieurs reprises, et c'est tout ce qu'il dit du roman de Dostoïevski,
Malraux, lui-même endeuillé sans en parler par la mort de ses deux
fils,
rapporte qu'il avait entrepris de faire lire l'ouvrage à l'aumônier des
Glières, duquel il avait appris ces deux vérités: il n'y a pas de
grandes
personnes; les gens sont plus malheureux qu'on ne croit. Il n'obtint de
lui que
cette réponse en forme de fin de non-recevoir: « Le Mal n'est pas un
problème,
c'est un mystère.» Malraux a raison lorsqu'il déclare que tous les
écrivains de
la génération à laquelle lui-même appartient furent frappés par la
protestation
d'Ivan Karamazov se dressant contre la figure carnassière d'un ordre
destructeur qui fait des enfants ses victimes d'élection (5).
Il en va ainsi
de Faulkner, dont le Requiem pour une
nonne, roman magnifique, le plus grand peut-être, laissé un peu
dans
l'ombre que font sur lui tous les autres, relatant l'assassinat au
berceau d'un
enfant, constitue par endroits la réécriture presque explicite de celui
de
Dostoïevski; et l'affrontement de Temple et de Nancy n'est pas moins
sublime
que le dialogue d'Ivan et d'Aliocha. Il en va de même aussi pour Camus
qui, en
toute connaissance de cause, porta à la scène et Dostoïevski et
Faulkner, et
dont toute l'œuvre personnelle, de La
Peste au Premier Homme en passant
par Les Justes, constitue comme une
méditation tournoyante au tour de l'absurde signe qu'en vain adresse au
monde
le cadavre d'un enfant.
Mais, si la
littérature, comme le voulait Bataille, est bien, fondamentalement,
confrontation
au Mal, sans doute en va-t-il pareillement de tous les grands textes
qui la
composent, et la génération dont parle Malraux est alors de tous les
temps, se
déployant verticalement dans la profondeur verrtigineuse de l'Histoire.
Depuis
les très anciennes histoires
A-t-on le
droit d'écrire sur la mort d'un enfant? me demande-t-on. Et le plus
étonnant
est que, cette question, on l'adresse de préférence à ceux qui ont
connu une
telle mort.
racontant le
sacrifice d'Isaac, celui d'Iphigénie, et qu'entreprit de penser, avec
Kierkegaard ou Nietzsche, une certaine philosophie. Jusqu'aux
hisstoires très
nouvelles qui continueront sans fin de s'écrire puisque, comme le
déclare
Camus, « les enfants mourront toujours injustement, même dans la
société
parfaite ». Et c'est précisément pourquoi ,”l'art et la révolte ne
mourront qu'avec
le dernier homme (6)”.
Ce scandale
- parce qu'il porte à son comble celui de toute la condition humaine -
est
l'objet du roman. Non pas afin qu'il le résolve et le liquide comme le
voudrait
une conception convenue de la « catharsis ». Mais pour qu'il témoigne
de cette
part d'" impossible », d'« irrémédiable» - si l'on veut employer ce mot
de
Malraux à propos de Faulkner - dont l'épreuve est au cœur de toute
expérience
un peu radicale de l'existence et que seul le protocole particulier de
la
parole romanesque peut exprimer: se refusant obstinément à donner un
sens à ce
qui n'en a pas mais ne se résolvant pas davantage au silence,
manifestant ainsi
ce déchirement de la conscience irréconciliée avec elle-même, avec le
monde,
qui n'aboutit à rien sinon à la pure profération dans le vide d'une
parole de
compassion.
Les Frères
Karamazov, Requiem pour une
nonne, La Peste,
sont, dit-on, des fictions. On préfère le prétendre afin de ne pas
avoir à
penser que la mort dont ils parlent puisse être autre chose qu'une
sadique
invention de romancier. Mais, le 16 mai 1878, Dostoïevski perd son
fils,
Alexeï, âgé de 3 ans, et il écrit Les
Frères Karamazov. Le 16 janvier 1931, quelques jours après sa
naissance,
meurt le premier enfant de Faulkner, une petite fille prénommée
Alabama, et
l'on dit que c'est de ce chagrin que sortit Lumière
d'août. Et si Camus fut heureuseement épargné par un tel sort, sans
doute
ne parvint-il jamais à oublier qu'atteint d'une affection à l'époque
fatale, la
tuberculose, il fut lui-même cet enfant donné pour mort dont le fantôme
fait
retour dans chacun de ses récits. Il n'y a pas d'œuvre authentique,
Artaud dit
vrai, qui soit« détachée de la vie ». Et c'est pourquoi Kobayashi a
encore
raison lorsque, réfléchissant sur le watakushi
shôsetsu, le« roman du Je» japonais, contre toute vraisemblance, il
affirme
que, quoique Dostoïevski n'ait jamais dit un mot de son existence, il
est par
excellence l'écrivain dont l'œuvre permet d'explorer les enjeux les
plus
extrêmes d'une telle écriture de soi (7).
A-t-on le
droit d'écrire sur la mort d'un enfant? me demande-t-on. Et le plus
étonnant
est que, cette question, on l'adresse de préférence à ceux qui ont
connu une
telle mort, les soupçonnant d'exploiter une souffrance qu'ils ont
vécue, plutôt
qu'aux romanciers qui, en spectateurs sentimentaux d'une douleur qu'ils
ignorent, en font un « thème» et à qui on demande rarement des comptes
pour
l'exercice inoffensif auquel ils se livrent. Comme toujours, la réponse
est
chez Bataille: l'expérience est la seule autorité, d'elle vient toute
souveraineté, et cette souveraineté s'expie. Bien sûr, n'importe qui a
le droit
d'écrire sur n'importe quoi. Mais un tel droit n'exonère pas du devoir
de
vérité qui l'accompagne, auquel en retour on se doit et duquel il
convient de
ne pas se montrer tout à fait indigne: ne se parant pas indûment du
prestige
usurpé d'une expérience seulement simulée, affrontant autant qu'il est
possible
le vertige de la vérité, entreprenant de produire en réponse une parole
qui ne
démérite pas tout à fait de l'épreuve du réel et se veuille
interminablement
fidèle à ce dernier.
Une telle
vérité est, par essence, paradoxale, puisqu'elle dépend de
l'impossible. Elle
repose sur une expérience en laquelle, souverainement, toute
signification
s'abîme et face à laquelle, dans l'épreuve excessive qu'il subit, le
sujet
s'acccomplit et s'anéantit. Elle dit vrai au-delà du vrai et même en
dépit de
celui -ci. « Même si j'avais tort », déclare Ivan (8). Et en ces
quelques mots
tient, je crois, tout ce que l'on peut avancer de cette vérité autre
dont
témoigne parfois, pathétique, insuffisante et cependant indispensable,
la
grande parole de la littérature authentique. Je ne cherche pas, bien
entendu, à
dire ce que fut le sens vrai du roman de Dostoïevvski. Ce serait, de ma
part,
une prétention imprudente. Voire: un souhait d'idiot. Comme le voulait
Kobayashi, je me suis contenté de m'imaginer Dostoïevski, de rêver
après lui,
de laisser résonner dans le temps les formidables paroles qu'il prête à
son
personnage et dont personne ne peut dire avec certitude ce qu'elles
signifient
mais par lesquelles se manifeste une vérité aussi certaine et pourtant
aussi
inintelligible que la vie elle-même. Même si j'avais tort, telle est ma
conviction,
j'aurais eu raison de le faire, j'aurais raison de continuer à le faire.
(Avant-propos
du Roman infanticide (Allaphbed 5), de Philippe
Forest, éd. Cécile Defaut, à paraître en avril/2010.)
(1) “Préface
à la vie de Dostoïevski”, dans La Pensée
de Kobayashi Hideo. Un intellectual
japonais au tournant de l'Histoire, Ninomiya
Masayuki, éd. Droz,
1995, p. 56-66.
(2) Cité par
James Dorsey, Critical Aesthetics,
Kobayashi Hideo, Modernity, and Wartime Japan,
éd. Harvard University Press, 2009, p. 44.
(3) “Préface
à la vie de Dostoïevski”, op. cit.
(4) Les
Frères Karamazov, tome 1, éd. Folio,
p. 336-337.
(5) Antimémoires,
dans Œuvres complètes, tome III, André Malraux, éd.
Gallimard,
Bibliothèque de La Pléiade, p. 457.
(6) L'Homme
révolté, dans Œuvres complètes, tome III, Albert
Camus, éd. Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, p. 321.
(7) Cité par
Paul Anderer, Literature of the Lost
Home, Kobayashi Hideo Literary
Criticism, 1924-1939, éd. Stanford University Press, 1995, p. 66.
(8) Sur
ce point je renvoie à ma conclusion de Tous les enfants sauf un, éd.
Gallimard,
2007, et aux analyses que j'ai plus longuement développées dans Le Roman, le
Réel et autres essais, Allaphbed 3,
éd. Cécile Defaut, 2007.
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