Poésie
par Jean-Yves
Masson
TOUT LAWRENCE
derrière le
romancier, découvrez le poète
À bout
Il me reste à brûler
maintes années, retenu
Sur ce corps comme la
flamme d'une chandelle. Mais j'abrite En moi-même une ombre bleue, une
vivante présence au sein De ma flamme de vie, cœur invisible de la
rose.
Ainsi, au long de ces
jours, alimentant ma flamme à la vie,
Qu'importe la substance léchée par ma flamme quotidienne,
Si le cœur de cette flamme est ombre inviolée,
Ténèbres rêvant pour moi
mon rêve immuable.
D.H. Lawrence
(traduit de l'anglais par Sylvain Floc'h)
Il est toujours bon de
rappeler que D.H. Lawrence est un grand poète et pas seulement l'auteur
de L'Amant de lady Chatterley. Ce roman si célèbre est l'arbre qui nous
cache la forêt: Lawrence demeure paradoxalement méconnu. C'est qu'il
déconncerte au premier abord, ce rebelle, ce fils de mineur devenu
grand voyageur, mystique en révolte contre le puritanisme, amant
anxieux portant le deuil d'une mère tyrannique dont l'ombre jette le
trouble sur ses revendications de liberté sexuelle.
Mais les romans de D.H.
Lawrence apparaissent dans une tout autre luumière si l'on comprend que
la poésie est la source vive de son écriture. C'est à quoi nous aide
aujourd'hui la première traduction intégrale de ses poèmes, due à
Sylvain Floc'h: plus de mille poèmes, neuf cents pages à la typographie
serrée qui consignent un chemin flamboyant vers la liberté.
On peut s'y noyer, c'est
le risque, et fatalement on tombera aussi parfois sur des poèmes de
second ordre. Les plus beaux sont presque tous très longs: l'ampleur
lyrique est la marque de Lawrence, cetle poème cité ici, l'un des plus brefs (mais bien révélateur du
narcissisme natif de l'auteur) n'en rend guère compte. Mais les
commenntaires judicieux du traducteur sont une aide très sûre pour
aller d'abord aux poèmes les plus importants.
Les lecteurs qui
craignent de s'engager sans préparation dans le labyrinthe pourront
tenter une première approche grâce à la réédition augmentée d'une
anthologie remarquable due à Sarah Clair et Lorand Gaspar, l'un des
grands poètes d'aujourd'hui; cette anthologie (il y en eut d'autres
chez Aubier et dans la très regrettée collection Orphée, aux éditions
de La Différence) a aussi l'avantage d'être bilinngue, luxe que ne peut
se permettre la version intégrale.
La comparaison est
insstructive: Sylvain Floc'h a réussi à maintenir une très grande
exactitude sans renoncer à la musicalité; Sarah Clair et Lorand Gaspar
interprètent bien davantage, mais souvent de façon suggestive. Celui
qui sort vainqueur de l'aventure, c'est Lawrence : impossible,
désormais, de tenir sa poésie pour un aspect mineur de son œuvre .•
Poèmes (éd. intégrole)
D.H. Lawrence
Notes, préface et trad.
de Sylvoin Floc'h
Éd. L'Âge d'Homme, •
58€.
Poèmes (choix, nouvelle
édition augmentée) D.H. Lawrence
Trad. et présenté par Lorand Gaspar et Sarah Clair
Éd. Gallimard, «
PoésieeGallimard »,9,30 €.