L'AUTOMNE
Un cheval s'écroule au milieu
d'une allée
Les feuilles tombent sur lui
Notre amour frissonne
Et le soleil aussi.
PARIS AT NIGHT
Trois allumettes une à une
allumées dans la nuit
La première pour voir ton
visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La dernière pour voir ta
bouche
Et l'obscurité tout entière
pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras.
BARBARA
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de
Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce
jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche
s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous
la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses
bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te
tutoie
Je dis tu à tous ceux que
j'aime
Même si je ne les ai vus
qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui
s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans
ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien
encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et
tout est abîmé
C'est une pluie de deuil
terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
LE RETOUR AU
PAYS
C'est un Breton qui revient
au pays natal
Après avoir fait plusieurs
mauvais coups
Il se promène devant les
fabriques à Douarnenez
Il ne reconnaît personne
Personne ne le reconnaît
Il est très triste.
Il entre dans une crêperie
pour manger des crêpes
Mais il ne peut pas en manger
Il a quelque chose qui les
empêche de passer
Il paye
Il sort
Il allume une cigarette
Mais il ne peut pas la fumer.
Il y a quelque chose
Quelque chose dans sa tête
Quelque chose de mauvais
Il est de plus en plus triste
Et soudain il se met à se
souvenir:
Quelqu'un lui a dit quand il
était petit
" Tu finiras sur
l'échafaud »
Et pendant des années
Il n'a jamais osé rien faire
Pas même traverser la rue
Pas même partir sur la mer
Rien absolument rien.
Il se souvient.
Celui qui avait tout prédit
c'est l'oncle Grésillard
L'oncle Grésillard qui portait malheur à tout le monde
La vache!
Et le Breton pense à sa sœur
Qui travaille à Vaugirard
A son frère mort à la guerre
Pense à toutes les choses
qu'il a vues
Toutes les choses qu'il a
faites.
La tristesse se serre contre
lui
Il essaie une nouvelle fois
D'allumer une cigarette
Mais il n'a pas envie de
fumer
Alors il décide d'aller voir
l'oncle Grésillard.
Il y va
Il ouvre la porte
L'oncle ne le reconnaît pas
Mais lui le reconnaît
Et il lui dit :
" Bonjour oncle
Grésillard »
Et puis il lui tord le cou.
Et il finit sur l'échafaud à
Quimper
Après avoir mangé deux
douzaines de crêpes
Et fumé une cigarette.