Quand
Robert parle de
Jonathan
Littell,
père et fils
L’écrivain
américain raconte
le tragique destin du poète Ossip Mandelstam et s'enthousiasme pour «
les
Bienveillantes»
L'Hirondelle avant l'orage, par Robert Littell, trad. de l'américain par
Cécile
Arnaud, Baker Street, 336 p., 22 euros.
En
octobre 1967, l'un des
journaliste vedettes de l'hebdomadaire américain « Newsweek » consacre
la plus
longue cover story de l'histoire du magazine au 50e anniversaire de la
révolution soviétique. Ce même mois naît son premier fils. “Est-ce par
peur
d'oublier son anniversaire? Je l'ai appelé Jonathan October Littell. Il
a
horreur qu'on lui rappelle l'existence de ce second prénom, mais c'est
un fait.”
Rencontre avec Nadejda
Grand
spécialiste du bloc
communiste, Robert Littell multiplie les voyages dans les pays de l'Est
(à
l'exception de l'Albanie). A Moscou où il se retrouve en 1979, il
rencontre
Nadejda, la veuve du poète Ossip Mandelstam. Non pour une interrview,
un
article à écrire (il a depuis peu renoncé au journalisme), mais pour
rendre simplement
hommage, avec respect et admiration, à cette femme dont le livre de
souvenirs,
« Contre tout espoir », l'a profondément marqué. “Je me souviens de cet
immeuble délabré, comme il avait dû l'être dès sa construction, dans la
grande
banlieue de Moscou, et de cette femme dans son petit appartement du
rez-de-chaussée, d'une fragilité et d'une force incroyables. Quelle fut
la
teneur de notre conversation? Je ne m'en souviens plus mais quand elle
m'a
raccompagné à la porte,
elle m'a dit simplement: "Surtout ne parlez pas en anglais dans le
couloir!" Comme si elle ne pouvait plus s'arracher à la terreur et aux
cauchemars de l'époque stalinienne, quand tout contact avec un étranger
pouvait
vous ennvoyer au goulag ou dans les sous-sols de la Loubianka avec une
balle
dans la nuque. C'était il y a trente ans. Depuis, je n'ai cessé de
penser au livre que j'écrirai
sur elle et sur Ossip Mandelstam dans les dernières années de de sa
vie. Ce fut
une longue gestation avant de me mettre enfin au travail.”
Entre-temps,
Jonathan October
a grandi, écrit et publié « les Bienveillantes» avec succès que l'on
sait. Qu'est-ce
qui rend complices aujourd'hui le fils et le père? Le premier vit en
Espagne,
écrit en français et est obsédé par le totalitarisme hitlérien. Le
second vit
en France (dans le Lot), écrit en américain et obsédé par le
totalitarisme
soviétique. “J'ai lui attendu la traduction américaine des
‘Bienveillantes’
pour prendre enfin la mesure de ce livre d'une force incroyable et
l'admirer
pleinement.” Jonathan ne lui avait donc jamais parlé de ce projet,
quand il était
en cours de rédaction? “Non, jamais! Jonathan est assez secret. Comme
moi. On
se téléphone très souvent sans évoquer nos travaux respectifs. Je
savais qu'il
se documentait ce sujet mais je ne soupçonnais rien. Par la suite, je
me suis
tout expliqué.”
Les
goûts du père et du fils
divergent à l'occasion. Jonathan cherche à faire lire Céline à Robert,
et
celui-ci s'y refuse. A ses yeux, l'auteur des insoutenables pamphlets
antisémites
est à jamais déconsidéré. Littell père préfère, de son côté, le courage
d'Ossip
et de Nadejda Mandelstam. Dans ce grand roman polyphonique qu'est «
l'Hirondelle avant l'orage», il les met en scène en compagnie de leurs
amis
Anna Akhmatova et Boris Pasternak, ou de Vlassik, le garde du corps de
Staline,
un bouuleversant athlète de foire victime lui aussi des purges. Il n
n'y a
peut-être qu'en Russie où la poésie a, pour le peuple, une importance
aussi
vitale et le poète, un tel prestige. Au fond, si Staline n'avait pas
tant
admiré et donc tant redouté Mandelstam qui était à ses yeux le plus
grand poète
russe de son temps, il l'aurait fait exécuter sans états d'âme, mais il
ne
voulait pas rester à la postérité comme son assassin.”
Mandelstam
avait pourtant
fait tout ce qu'il fallait pour le provoquer et, en quelque sorte, se
suicider,
quand il composa en 1934 sa fameuse « Ode à Staline» où il évoquait “le
bourreau
et l'assassin de moujiks”. Staline condamna Mandelstam à trois ans
d'exil,
cette année-là, avant le coup de grâce d'une seconde condamnation à la
déportation, en 1938, où le poète, brisé déjà depuis longtemps, mourut
peu
après dans un camp.
Eternelle
et tragique opposition
du poète et du tyran! Mandelstam s'illusionne sans doute quand il se
persuade
qu'une ode peut renverser un dictateur. Staline, lui, se désesspère de
constater que rien n'asservira un grand poète. Tel est l'enjeu de ce
livre
magnifique, sensible et érudit, où Littell (Robert) invente avec
beaucoup de
subtilités deux rencontres dramatiques entre Mandelstam et Staline,
celui qui
se sacrifie et se sait le vainqueur pour la postérité et l'homme de
pouvoir qui
pressent qu'il sera pour sa part et à jamais discrédité.
FRÉDÉRIC
VITOUX
Le
Nouvel Observateur
2-8
AVRJL 2009.
Cha & Littell.
Ông bố thì bị ám ảnh bởi chủ nghĩa toàn trị Stalin, ông con, Nazi.
Tên ông
con, Jonathan October Littell.,
là để đời đời
ghi nhớ Cách Mạng Tháng 10!
Tác phẩm mới nhất của ông bố: Chim
Báo Bão, kể cuộc đụng độ giữa nhà thơ Mandelstam và Stalin.