Lettre
à
mes enfants et petits enfants
Nguyen
Van Phu
Traduit
par
Nguyen Ngoc Qu.
Cher
vieil
ami,
Lors
des
conversations que nous avons eues ensemble à notre siège,
en
attendant que nos enfants viennent nous chercher, nous nous sommes
mis
d’accord sur un certain nombre de points.
Vous
m’avez
instamment demandé de les coucher sur le papier à
l’intention
de nos descendants car, disiez-vous, vous souffriez du
tremblement
des mains au point de ne plus pouvoir tenir la plume. Qui plus
est,
cette
année marque le 30ème anniversaire de notre exil comme réfugiés,
et il
nous
a paru utile à tous deux, de clarifier, pour nos enfants et surtout
pour
nos
petits enfants, un certain nombre de points.
Durant
ces
derniers mois, je me suis efforcé de me conformer à vos
objurgations,
si bien qu’aujourd’hui, mon travail peut être considéré
comme à
peu
près achevé. Dans un souci didactique, je me propose de
présenter
les choses sous forme de lettre de parents adressée à leurs
enfants.
Je
vous invite à l’examiner à loisir et vous remercie des
corrections
et compléments que vous voudrez bien y apporter.
Mes
enfants
bien aimés,
Maman et
Papa
sommes maintenant octogénaires, atteignant ainsi une
longévité
appréciable
par rapport aux générations qui nous ont précédés.
Nous vous
avons, à maintes occasions, entretenus d’un certain nombre de
sujets,
mais
vous n’étiez pas souvent tous réunis pour nous écouter. De
plus, il
n’est
pas certain que vous ayez retenu tous nos propos. Aussi, cette
lettre
a-t-elle été rédigée pour résumer les principales idées que nous
souhaitions
vous faire parvenir. Pour vos enfants qui parlent le vi.tnamien
2
mais ne le
lisent pas très bien, nous vous demandons de trouver la meilleure
façon de
leur
transmettre nos pensées et de leur donner toutes les
explications
utiles. Il ne s’agit pas seulement de prendre connaissance de ce
que nous
mettons aujourd’hui par écrit pour vous, mais encore d’en bien
pénétrer
le
sens.
De la
gratitude. - Mes enfants,
en fuyant le communisme pour
rechercher
la
liberté, nous avons dû tout laisser derrière nous : nos biens,
l’autel et
les
tombes de nos ancêtres. Dans cette deuxième patrie, les
autorités
et
la population nous ont bien accueillis et nous ont aidés à nous
installer.
Maintenant que notre situation s’est bien stabilisée, nous devons
être
reconnaissants envers ce pays et nous efforcer de contribuer à le rendre
encore
plus
rayonnant, plus prospère et plus puissant, témoignant ainsi
quelque
peu de
notre gratitude.
Des
raisons
de notre exode. - Vous
devez expliquer clairement à vos
enfants
les
raisons qui ont poussé notre famille ainsi que des dizaines de
milliers
d’autres à venir nous installer ici : nous fuyions le communisme, à
la
recherche de la liberté. Vos
enfants ont la chance de vivre dans une
société
démocratique. Goûtant à la liberté dès leur naissance, ils ne
pourraient
jamais s’imaginer jusqu’où peuvent aller la duplicité et la
cruauté
des
communistes. Ils auraient du mal à croire que des hommes
puissent
être
aussi féroces envers d’autres hommes (On peut leur faire voir
le film « Voyage
sur l’océan », réalisé par Tr.n Hàm et qui est sorti en salle
le 30-4-2005.) Les
communistes
sont très cruels en acte mais très habiles en
parole et
excellent dans l’art de la dissimulation ! D’où la nécessité de bien
faire
comprendre les choses à vos enfants, non pas tant pour susciter la
haine que
pour
leur faire connaître la réalité. On se répète souvent cette
phrase : «
N’écoutez pas ce que disent les communistes, regardez bien ce
qu’ils
font. »
Du pays
de
nos ancêtres.- Si
occupés que vous soyez, prenez le
temps de
méditer sur l’histoire et la géographie du Vi.t Nam, afin de
connaître
les
origines de notre peuple, la formation de notre nation, nos
vicissitudes,
nos moments de gloire comme nos heures d’humiliation, les
actes de
sagesse de nos pères comme leurs forfaits. Il convient d’en tirer
toutes les
leçons.
3
Les pages
de
notre histoire sont remplies alternativement de gloire et
de larmes.
A
certaine époque, notre pays a dû subir le joug d’une
occupation
humiliante durant mille ans; à d’autre moment notre peuple a su
se
soulever
héroïquement pour briser ses chaînes et reconquérir son
indépendance.
Il nous est arrivé de nous lancer dans la conquête et la
destruction
d’autres pays; l’exemple le plus récent en est l’occupation
destructrice
du Cambodge pendant dix ans, provoquant la haine d’un pays
voisin et
laissant ainsi un poids très lourd dans notre karma, que les
générations
futures auront à assumer.
De
l’Histoire
récente.- Notre pays a
été colonisé par la France
à la fin
du 19ème
siècle. Vers 1940, éclata une guerre mondiale. Dans notre pays, les
Japonais
renversèrent les Français, par un coup d’Etat, le 9-3-1945.
L’empereur
Bao
Ðai décréta l’abolition du traité de protectorat conclu avec
la France
et confia à M. Tran Trong Kim la formation du premier
gouvernement
du Vi.t Nam
indépendant. En définitive, les pays de l’Axe,
Allemagne,
Italie et Japon, furent vaincus par les Alliés, Angleterre,
France,
Etats-unis, URSS, Chine. Le 19-8-1945,
le Viet Minh s’empara du
pouvoir
détenu
par le gouvernement Tran Tr.ng Kim et proclama la
création
de la
République démocratique du Viet Nam. Mais peu de temps
après, la France
cherchait à rétablir sa domination. Le 19-12-1946 une
guerre de
résistance nationale se déclara contre les Français. Mais lorsque
le Vi.t
Minh
révéla sa vraie nature communiste, les partis nationalistes,
face au
danger
de se faire progressivement anéantir, se replièrent vers la
zone
nationaliste contrôlée par un gouvernement différent de celui de la
zone de
résistance, d’essence communiste.
Après la
bataille de Ðien Biên Ph., les Accords de Genève de 1954
ont
partitionné le pays en deux : le Nord devenait la République
Démocratique
et le Sud, la République du Viet Nam. Le Nord se réclamait
ouvertement
du
bloc communiste et entama sans tarder le processus de
conquête
du
Sud par la force, qu’il dissimulait aux yeux du monde entier,
derrière
sa
créature que fut le Front National de Libération du Sud. Le Sud
Vi.tnam
reçut
l’appui des Etats-unis et des alliés du monde libre pour faire
pièce à
l’expansion du communisme. Lorsque les troupes d’invasion du
Nord
prenaient
trop d’ampleur, les Etats-unis firent débarquer leurs soldats
dans le
Sud. A
partir de 1965, la guerre s’intensifia.
En 1972,
après
la rupture consommée entre l’URSS et la Chine, le
Président
Nixon se rendit en Chine et y signa les Accords de Shanghai. Dès
4
lors, les
Etats-unis n’ayant plus besoin de leur avant-poste contre le
communisme,
laissèrent tomber la République du Vi.t Nam ! (L’ouvrage
« Lorsque
les Alliés s’enfuient » du Dr. Nguyen Tien Hung révèle des
réalités
affligeantes sur la trahison et la fuite des Américains.) Selon les
Accords
de
Paris de 1973, les
Etats-unis devaient retirer leurs troupes du
Sud Vi.t Nam,
et ne pouvaient laisser sur place qu’un certain nombre de
conseillers
militaires alors que les troupes Nord vietnamiennes elles,
restaient
stationnées au Sud ! Les communistes du Nord pouvaient ainsi
poursuivre
leur invasion du Sud avec l’aide considérable du bloc
communiste
international. Le Sud Viet Nam, quel que soit le
courage avec
lequel il
livrait sa guerre d’autodéfense, s’est trouvé acculé, en raison du
rationnement
de munitions et de carburants, dans une situation intenable.
Le 30-4-1975, Sàigòn,
la
capitale, tomba. Commençait alors l’exode des
réfugiés
fuyant le communisme, à la recherche de la liberté. La suite, vous
la
connaissez
avec suffisamment de détails.
De
l’analyse des informations et des documents historiques.- De
nos jours,
il
y a pléthore d’informations. On a écrit énormément sur le Vi.t
Nam, sur la guerre du Vi.t Nam
avec en plus des photos, des
films. Mais
peu
d’ouvrages
ou de réalisations vraiment rigoureux. Des auteurs honnêtes
existent
mais
qui n’arrivent à rendre compte que d’un aspect de la réalité,
tels les
aveugles de la fable bouddhiste qui cherchent à décrire l’éléphant en
le
palpant.
D’autres déforment sciemment la vérité pour des visées
personnelles.
D’autres encore, - des religieux de surcroît -, affabulent dans
le but de
calomnier. Le pire, c’est lorsque les tenants du pouvoir ou leurs
sbires se
mettent à écrire l’Histoire. Alex Haley l’a écrit dans les dernières
lignes de
son
ouvrage « Racines
» : « En fin de compte, l’Histoire est écrite
par les
vainqueurs.
» C’est pourquoi, nous vous demandons instamment à
vous et
surtout à vos enfants, d’observer une extrême prudence et d’exercer
une
intelligence vigilante lorsque vous abordez les documents écrits ou les
films sur
le
Vi.t Nam
au 20ème siècle et au début du 21ème siècle, et ce,
quels
qu’en
soient les auteurs, même européens ou américains.
Pour nous,
vos
parents, le conflit qui a eu lieu dans notre pays, de
1954 à
1975,
fut une guerre entre le Nord et le Sud, une guerre civile, une
guerre par
procuration résultant de l’affrontement entre le bloc communiste
et le
monde
libre, une guerre livrée avec les armes des pays étrangers et le
sang du
peuple
vi.tnamien. Pour les populations du Sud, c’était une guerre
d’autodéfense.
Pour les communistes du
Nord, conditionnés par la
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propagande
et
le dressage des masses, c’était une guerre livrée contre la
clique
Américano-fantoche pour réunifier le pays. Les vainqueurs s’étaient
montrés
arrogants et cruels, les vaincus eux, ravalaient leur sourde haine et
leur
humiliation.
Là gît le cœur des divisions profondes de notre peuple (à
vrai dire,
il
existe d’autres motifs de division.) Tant qu’on n’arrive pas à
faire
changer
ces deux façons de percevoir les choses, il serait vain de
parler de
réconciliation nationale ! Des millions de morts, un pays réunifié,
mais les
Vi.tnamiens restent encore profondément divisés dans leur cœur.
Des
visites
au Vi.t Nam.- Certaines
personnes nous ont demandé si
nous
étions
déjà rentrés au Vi.t Nam.
Notre réponse a été : « pas encore, et
pour des
raisons de santé. » Beaucoup de monde sont rentrés au pays,
chacun y
va de
sa raison personnelle, de son but, de sa façon de voir les
choses !
Retourner au pays pour prendre soin de ses parents âgés ou
malades,
pour
s’occuper de ses proches, pour entretenir les tombes de ses
ancêtres,
pour
donner des cours aux étudiants, pour revoir son pays, voilà
des motifs
légitimes. Rentrer pour porter secours aux victimes des
catastrophes
naturelles ou pour aider des compatriotes dans le besoin, de
façon
désintéressée,
voilà une bonne action. Mais rentrer pour festoyer ou
pour
s’amuser,
pour faire du tourisme à bon marché, pour rechercher
honneur ou
avantage voire pour quémander quelque distinction officielle,
alors il
vaut
mieux s’en abstenir.
Plus tard,
si
le pays changeait effectivement, vous pourriez ramener
vos
enfants
visiter notre patrie. Mais nous pouvons vous dire à l’avance
qu’ils ne
seront pas particulièrement émus, - on ne saurait éprouver une
quelconque
émotion si l’on n’a pas de souvenirs qui vous attachent à
quelque
chose.
Tâchez d’amener vos enfants à aimer notre pays, notre
peuple,
nos
compatriotes, et faites en sorte qu’ils ne se comportent pas en
vulgaires
touristes. Quant à l’éventualité de vous voir vous installer et vivre
au Vi.t Nam,
nous pensons qu’elle est peu probable.
De
l’état
actuel du pays.- Si
quelqu’un vous dit que le pays a fait des
progrès
(la
majorité de la population arrivent maintenant à se procurer du
riz pour
leurs
repas, au lieu du misérable mélange de riz et d’avoine; les
motos et
les
voitures remplacent les vélos … ; c’est quand même
impensable
qu’après trente années de paix, il n’y ait aucun progrès !),
sachez
qu’il
s’agit, en vérité, d’un constat de l’évolution du pays sur sa
propre
trajectoire. Car si l’on compare le Vi.t Nam avec les pays voisins,
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on doit
avoir
honte sur de nombreux sujets (même le Cambodge a un parti
d’opposition
!). Si vous voulez connaître la réalité du Vi.t Nam qui se
cache
derrière
les buildings, les voitures rutilantes, les palaces cinq étoiles,
les
terrains
de golf dernier cri, informez-vous sur la situation à l’intérieur
du pays.
Pour
vous rendre compte de la déliquescence avancée de multiples
secteurs
(en
particulier l’éducation), de l’existence d’un capitalisme rouge,
de la
corruption comme fléau national, de la gabegie des ressources de la
nation. Et
rendez donc visite aux compatriotes vivant dans des régions
reculées
et
misérables. Nous avons besoin de connaître la vérité sans fard,
celle qui n’est
peinte ni en rose ni en noir.
Pour vous
faire une idée précise de la situation de notre pays,
procurez-vous
l’exposé du Dr. Lê Ðãng Doanh, ancien directeur de
l’Institut
Central de Recherche sur la Gestion à Hà N.i. Il
a dit la vérité aux
plus hauts
dirigeants communistes. Ce document vient de parvenir à
l’étranger.
Dans une présentation qui est faite de ce texte, on peut lire :
« Chacun
doit
prêter attention aux chiffres qui rendent compte de la triste
réalité de
l’économie vi.tnamienne. M. Doanh pointe du doigt les faiblesses
de
l’économie
et la nature antidémocratique du régime communiste au Vi.t
Nam.
Partant de là, il affirme sans détour
que les structures politiques sont
obsolètes,
qu’il faut les changer » (Ngô Nhân D.ng, in quotidien Ngu.i
Vi.t du 30-3-2005).
M. Doanh
rapporte une anecdote : un expert des finances
internationales
lui a posé la question suivante: « Doués comme vous êtes,
comment
se
fait-il que vous êtes restés pauvres pendant si longtemps ?
Avec
une
telle intelligence, une telle tradition, pourquoi mendiez-vous tout
le
temps ?
Fixez-vous donc une date limite à partir de laquelle vous
cesserez
de
demander l’aumône. Est-ce possible ? » Quelle humiliation
pour nous
tous
! Notre pays n’a pas que des incapables, notre peuple n’est
pas
fainéant;
pourquoi cette misère innommable ?
Eh bien !
c’est à cause de la dictature du Parti !
De
l’attitude politique.-
Non seulement les compatriotes à l’étranger
exigent
l’abolition du Parti unique, mais des membres du parti communiste
mêmes,
ainsi
que les éléments progressistes dans le pays la réclament.
Comprenez
bien
: lutter contre la dictature, contre le parti unique, contre la
corruption,
contre la ligne erronée des communistes ce n’est point se
dresser
contre
le Vi.t Nam,
c’est, bien au contraire, plaider pour que le pays
puisse
s’améliorer, progresser.
7
Certains
pensent que les communistes vi.tnamiens ont changé pour
un peu de
«
renouveau ». Il faut savoir que c’est la conséquence de
l’effondrement
du communisme en Europe de l’Est, de
la lutte
des
Vietnamiens
à
l’intérieur et à l’extérieur du pays, de la pression
internationale;
c’est la menace de désagrégation du Parti qui a acculé les
communistes
à des
changements économiques (sans changer, pour autant,
sur le
plan
politique). Même si nous
ne faisons pas de politique, nous
devons
néanmoins avoir une attitude politique, nous devons continuer à
soutenir
les
luttes en vue d’instaurer dans notre pays une démocratie et une
liberté
effectives.
Le
Secrétaire
Général du parti communiste a reconnu que les
communistes
vi.tnamiens « avaient commis de nombreuses erreurs. » Nous
posons la
question : si erreurs il y a eu, pourquoi ne pas les corriger,
pourquoi
ne
pas demander publiquement pardon au peuple, pourquoi ne pas
restituer
les
terres et les propriétés bâties aux particuliers et aux institutions
religieuses
;
pourquoi ne pas indemniser les victimes de la réforme agraire,
celles de
la
répression contre les intellectuels et artistes dans l’affaire Nhân
Vãn-Giai
Ph.m,
celles des vagues de réforme de l’industrie, de l’artisanat
et du
commerce
? Pourquoi ne pas accorder réparation à ceux qui ont été
envoyés en
«
camps dits de rééducation » et leur demander pardon ? En
vérité,
tout
le monde souhaite jeter haine et rancunes à la rivière, mais il
appartient
aux
communistes d’accomplir des actes concrets pour que le
peuple
puisse
les constater de visu. Clamer : « effaçons haine et rancunes,
tournons
la
page du passé, regardons vers l’avenir » sans rien faire de
concret ne
rime à rien. Appeler à la « Grande Union » et la placer sous
l’égide du
Parti (article 4 de la Constitution.) : à qui donc veut-on de la
sorte
inspirer
confiance ?
Des
affaires familiales.- Parlons
maintenant de nos affaires de
famille.
Nous,
vos parents, appartenons à une génération antérieure et nous
vous avons
élevés suivant les normes de cette génération, tout comme vos
grands-parents
nous avaient élevés d’après les normes de leur époque.
Parfois,
il
vous arrive sûrement de penser que nous avons été trop sévères.
Mais,
c’était
normal en ce temps-là. Nous espérons que vous oublierez les
peines,
qu’à
notre insu, nous avions pu vous infliger. Gardez bien présent à
l’esprit
que
nous n’avons pas cherché à mener la grande vie, que nous
n’avons
rien
gaspillé, que nous avons mené une existence faite de mesure et
de raison,
que
nous nous sommes efforcés de travailler et d’économiser
8
pour vous
permettre de ne manquer de rien, de poursuivre des études
sérieuses,
dans une atmosphère familiale chaleureuse.
Parce que
nous
avions été spoliés de tous nos biens par les
communistes,
nous avions vécu un début fort
difficile
à l’arrivée
dans ce
pays; nous
avions dû accepter des emplois vraiment pénibles. Et vous aussi,
vous aviez
travaillé dur pendant vos vacances et fait de sérieux efforts pour
vos
études. A
l’heure actuelle, tout paraît s’arranger, par la grâce du Ciel,
de Bouddha
et
de nos ancêtres.
Ne
cultivez
jamais l’autosatisfaction. Ne vous considérez jamais
comme
supérieurs et talentueux. Rappelez-vous : « Si l’on regarde audessus
de soi,
on
se voit minable ; si l’on regarde au-dessous de soi, on
constate
que personne n’est à sa hauteur ».
Votre talent personnel, s’il
existe, ne
compte que pour partie, le reste résulte d’heureux concours de
circonstances,
des bienfaits intangibles hérités de vos ancêtres et de vos
vies
antérieures voire de votre vie actuelle. Cultivez en permanence une
vie
vertueuse
afin d’améliorer votre karma, à
l’instar de l’automobiliste qui
doit
penser à
recharger la batterie de sa voiture. Qui sème le bon grain
récolte de
bons fruits. Telle est la loi de la causalité universelle qui
ne
souffre
d’aucune erreur !
En ce qui
concerne votre petite famille, voici nos conseils : entre
époux, il
faut
vous respecter l’un l’autre, savoir faire des concessions
mutuelles.
Des frictions sont inévitables; réglez
les problèmes avec calme et
souplesse.
La
colère est de mauvais conseil, évitez la.
Vis-à-vis
de
vos enfants, il faut les aimer sans les gâter. Il faut
surveiller
leurs fréquentations, vous rapprocher des parents de leurs amis
pour vous
assurer de les connaître plus complètement; se faire entraîner
dans de
mauvaises dérives par des amis est
un phénomène tellement
répandu
dans
notre société ! Les séances de télé, de jeux vidéo et de
« chats
»
sont à limiter; par contre, il faut encourager la pratique de la
gymnastique
et
des sports. En ce qui vous concerne plus personnellement, il
faut inclure
l’éducation physique dans vos occupations afin d’équilibrer
vos
activités.
Inspirez-vous de l’expérience de votre père : dans ma
jeunesse,
je
m’étais dépensé sans compter au travail, ce qui fait
qu’aujourd’hui
dans mes vieux jours, mon corps « réclame justice », et je
suis
fréquemment patraque.
Dans la
vie de
tous les jours, soyez économes ( mais non avares);
pensez à
la défense
de l’environnement car les ressources du monde sont
limitées;
nous
nous devons de penser aux générations suivantes. Pas de
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gaspillage,
ne serait-ce qu’un kleenex pour vous
nettoyer les mains. De
temps en
temps, faites voir à vos enfants des photos et des films qui
montrent
des
gosses souffrant de faim et de froid afin qu’ils sachent qu’en
ce bas
monde, beaucoup
de gens sont encore dans la misère.
Entre
frères
et sœurs, retenez bien les adages suivants : « prendre soin
de son
frère comme de sa main ou de son pied»; « quand la sœur aînée
tombe,
la
cadette doit la relever »; « une goutte de sang a plus de valeur
qu’une
mare
de flotte »; « qu’un cheval tombe malade, et toute l’écurie
arrête
de
s’alimenter. » Le secret
réside dans l’application du mot x. (
NDT :
abandonner, sacrifier, pardonner). Ne tenez pas rigueur à vos frères
et sœurs
pour
leurs défauts. La déchirure entre vous nous ferait de la peine,
énormément.
Dans cette
société, chacun est si préoccupé par sa propre famille qu’il
lui
arrive, à
son corps défendant, de négliger la grande famille. Mettez à
l’honneur
les
sentiments de solidarité au sein de la grande famille. A vous,
nos filles
et
belles-filles, nous vous enjoignons d’aider vos époux respectifs
à
maintenir
des relations d’affection avec vos frères et sœurs, de même
qu’avec
les
collatéraux, tant du côté paternel que du côté maternel.
De la
pratique de la langue vi.tnamienne à l’étranger.- Quelques
points
méritent d’être discutés. Vos enfants, qui sont citoyens du pays
d’accueil,
y
grandissent avec tous les droits et devoirs afférents. L’existence
quotidienne
à
l’école ainsi qu’en société les oblige à parler Anglais et/ou
Français,
à
les parler et à les écrire impeccablement, faute de quoi, ils
courraient
le
risque d’une mauvaise intégration, d’être isolés et d’être mal
considérés.
Une fois chez vous, ils communiquent entre eux avec ces deux
langues.
Bien
que vous les obligiez à parler Vi.tnamien en famille, nous
avons
l’impression que leur Vi.tnamien laisse à désirer. Ne le parlant pas
très bien,
ils
l’écrivent encore pire, parce qu’ils ne s’exercent pas
fréquemment
à
la lecture ou à l’écriture. Quelques heures de mise à niveau
en fin de
semaine au Centre d’études vi.tnamiennes avec une institutrice, -
aussi
dévouée
soit-elle -, ne suffisent pas. Le système des vocatifs
vi.tnamiens
est parmi les plus complexes du monde.
Nos
compatriotes
d’outre-mer rappellent constamment la nécessité de
maintenir
l’usage du Vi.tnamien; nous pensons la même chose. Mais à bien
y
réfléchir,
un enfant ne saurait être la fusion de deux enfants (vi.tnamien
et
canadien,
ou bien vi.tnamien et américain.) Si la pression exercée est par
trop
importante, les enfants ne tiendront pas le coup. De surcroît, il y a
les
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sports, la
musique. En conséquence, nous devons choisir une posologie
adaptée,
pour
éviter de transformer l’enfant en une « machine à étudier ».
Vos
enfants
doivent s’élever dans ce pays. A vous donc de les préparer à
s’adapter
de
façon adéquate à leur environnement pour une qualité de vie
satisfaisante.
De la
société occidentale.- C’est
une société de consommation
poussée
jusqu’à l’excès. Ne vous laissez pas attraper trop légèrement par
des
techniques
habiles de marketing qui vous incitent à consommer sans
limites.
Nous
sommes les proies faciles de la publicité alors même que nous
sommes
encerclés, conditionnés par les banques et les compagnies
d’assurance.
Appliquez la formule « diminuer les désirs, se satisfaire de
peu »,
n’achetez que le nécessaire. Ainsi de
la maison et des voitures.
Qu’elles
soient dans vos moyens et satisfaisantes pour la vie et le travail de
tous les
jours, ce sera bien. Evitez de trop vous endetter. Mieux vaut
s’épargner
des
soucis. Ce n’est pas de la théorie gratuite que nous vous
prodiguons.
Si
la société actuelle s’affaisse sur les plans moral et spirituel,
c’est
parce
qu’on se tourne trop vers l’extérieur, qu’on est trop matérialiste,
trop
égoïste
et qu’on n’arrive à trouver le bonheur nulle part. Il faut moins
d’égoïsme.
Pensez aux autres et sachez partager avec vos semblables.
De
nous,
vos parents, en particulier.- L’âge
appelle la maladie, et le
malade
finit
par s’en aller… pour de bon ! C’est la loi de la nature. Quand
arrivera
ce
jour, arrangez-vous pour nous organiser des funérailles dignes
mais
simples.
Nous souhaitons bénéficier du rituel bouddhique. Nous
mettre en
terre dans un cimetière pourrait vous poser des problèmes de
conscience
si
jamais, dans l’avenir, vous êtes appelés, par votre travail, à
vous
éloigner,
ce qui vous empêcherait de prendre soin de nos tombes.
Nous
optons
pour la solution crématoire, plus pratique, et qui ne prend pas
de place,
car
les terrains seront indispensables pour les générations futures.
Vous
pourriez
disperser nos cendres sur la montagne ou sur un fleuve voire
dans
l’océan.
Poussière, nous retournerons à la poussière, voilà tout ! Au
lieu de
dépenser dans les frais de réception pour remercier ceux qui sont
venus,
vous
feriez mieux de garder l’argent pour contribuer à des œuvres
d’intérêt
collectif. N’ayez pas peur de vous faire critiquer, les gens finiront
par
comprendre
et vous approuveront.
Un point
précis : si, par malheur, nous tombions malades et plongions
dans une
vie
végétative, ayez le courage de faire débrancher les tuyauteries
11
de survie;
pourquoi prolonger ce genre de vie qui ne peut que poser des
problèmes
à
tout le monde ?
De
l’autel
familial.- Dans le mode
de vie actuel, ce n’est pas très
simple
d’installer un autel chez soi. Si vous pensez à nos ancêtres, aux
grands
parents
paternels et maternels, à vos parents, vous pouvez exposer
des photos
à
l’endroit le plus convenable de la maison pour témoigner à la
fois de
votre
respect et de votre engagement à ne rien faire qui puisse porter
atteinte à
l’honneur de la famille. Le jour anniversaire de notre disparition,
préparez
une
petite table sur laquelle vous disposerez une tasse d’eau pure,
quelques
fleurs parfumées, des fruits frais et une baguette d’encens (une
baguette
électrique ferait aussi bien l’affaire). Ce serait suffisant. C’est
votre vrai
amour et celui de vos enfants qui auront le plus de prix. Nous
mentionnons
bien « vos enfants » pour vous rappeler la nécessité de leur
faire
percevoir la signification que le peuple vietnamien confère à la
célébration
du
jour des morts de la famille. Au cours de ces jours
anniversaires,
mettez le Bien au centre de votre pensée, accomplissez
davantage
d’actes de bonté qu’aux autres jours, donnez quelque peu aux
pauvres,
récupérez les vêtements usagés pour les offrir aux associations
caritatives.
Si, à ces occasions, tous vos frères et sœurs se réunissent au
même
endroit,
ce sera très bien car les liens de famille se raffermissent en
ces
circonstances. Faites l’effort d’organiser de telles réunions, s’il vous
plaît.
Nous
espérons
que vous lirez cette lettre attentivement, que vous y
réfléchirez
en
profondeur, et que vous vous efforcerez de réaliser nos
recommandations.
Nous vous
remercions
de vous être toujours occupés de nous, depuis
tant
d’années,
et d’avoir fait le nécessaire pour que nous puissions jouir de
notre
vieillesse, dans la sérénité.
Nous vous
embrassons, très, très, très fort,
vous tous,
nos
enfants et petits-enfants.
Papa et
Maman
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Traduit
par
Nguy.n Ng.c Qu., avec le concours actif de l’auteur.
NB.
L’opinion de l’auteur ne reflète pas
obligatoirement celle
du traducteur.