logo





 

Lettre à mes enfants et petits enfants

Nguyen Van Phu

Traduit par Nguyen Ngoc Qu.

Cher vieil ami,

Lors des conversations que nous avons eues ensemble à notre siège,

en attendant que nos enfants viennent nous chercher, nous nous sommes

mis d’accord sur un certain nombre de points.

Vous m’avez instamment demandé de les coucher sur le papier à

l’intention de nos descendants car, disiez-vous, vous souffriez du

tremblement des mains au point de ne plus pouvoir tenir la plume. Qui plus

est, cette année marque le 30ème anniversaire de notre exil comme réfugiés,

et il nous a paru utile à tous deux, de clarifier, pour nos enfants et surtout

pour nos petits enfants, un certain nombre de points.

Durant ces derniers mois, je me suis efforcé de me conformer à vos

objurgations, si bien qu’aujourd’hui, mon travail peut être considéré

comme à peu près achevé. Dans un souci didactique, je me propose de

présenter les choses sous forme de lettre de parents adressée à leurs

enfants. Je vous invite à l’examiner à loisir et vous remercie des

corrections et compléments que vous voudrez bien y apporter.

Mes enfants bien aimés,

Maman et Papa sommes maintenant octogénaires, atteignant ainsi une

longévité appréciable par rapport aux générations qui nous ont précédés.

Nous vous avons, à maintes occasions, entretenus d’un certain nombre de

sujets, mais vous n’étiez pas souvent tous réunis pour nous écouter. De

plus, il n’est pas certain que vous ayez retenu tous nos propos. Aussi, cette

lettre a-t-elle été rédigée pour résumer les principales idées que nous

souhaitions vous faire parvenir. Pour vos enfants qui parlent le vi.tnamien

2

mais ne le lisent pas très bien, nous vous demandons de trouver la meilleure

façon de leur transmettre nos pensées et de leur donner toutes les

explications utiles. Il ne s’agit pas seulement de prendre connaissance de ce

que nous mettons aujourd’hui par écrit pour vous, mais encore d’en bien

pénétrer le sens.

De la gratitude. - Mes enfants, en fuyant le communisme pour

rechercher la liberté, nous avons dû tout laisser derrière nous : nos biens,

l’autel et les tombes de nos ancêtres. Dans cette deuxième patrie, les

autorités et la population nous ont bien accueillis et nous ont aidés à nous

installer. Maintenant que notre situation s’est bien stabilisée, nous devons

être reconnaissants envers ce pays et nous efforcer de contribuer à le rendre

encore plus rayonnant, plus prospère et plus puissant, témoignant ainsi

quelque peu de notre gratitude.

Des raisons de notre exode. - Vous devez expliquer clairement à vos

enfants les raisons qui ont poussé notre famille ainsi que des dizaines de

milliers d’autres à venir nous installer ici : nous fuyions le communisme, à

la recherche de la liberté. Vos enfants ont la chance de vivre dans une

société démocratique. Goûtant à la liberté dès leur naissance, ils ne

pourraient jamais s’imaginer jusqu’où peuvent aller la duplicité et la

cruauté des communistes. Ils auraient du mal à croire que des hommes

puissent être aussi féroces envers d’autres hommes (On peut leur faire voir

le film « Voyage sur l’océan », réalisé par Tr.n Hàm et qui est sorti en salle

le 30-4-2005.) Les communistes sont très cruels en acte mais très habiles en

parole et excellent dans l’art de la dissimulation ! D’où la nécessité de bien

faire comprendre les choses à vos enfants, non pas tant pour susciter la

haine que pour leur faire connaître la réalité. On se répète souvent cette

phrase : « N’écoutez pas ce que disent les communistes, regardez bien ce

qu’ils font. »

Du pays de nos ancêtres.- Si occupés que vous soyez, prenez le

temps de méditer sur l’histoire et la géographie du Vi.t Nam, afin de

connaître les origines de notre peuple, la formation de notre nation, nos

vicissitudes, nos moments de gloire comme nos heures d’humiliation, les

actes de sagesse de nos pères comme leurs forfaits. Il convient d’en tirer

toutes les leçons.

3

Les pages de notre histoire sont remplies alternativement de gloire et

de larmes. A certaine époque, notre pays a dû subir le joug d’une

occupation humiliante durant mille ans; à d’autre moment notre peuple a su

se soulever héroïquement pour briser ses chaînes et reconquérir son

indépendance. Il nous est arrivé de nous lancer dans la conquête et la

destruction d’autres pays; l’exemple le plus récent en est l’occupation

destructrice du Cambodge pendant dix ans, provoquant la haine d’un pays

voisin et laissant ainsi un poids très lourd dans notre karma, que les

générations futures auront à assumer.

De l’Histoire récente.- Notre pays a été colonisé par la France à la fin

du 19ème siècle. Vers 1940, éclata une guerre mondiale. Dans notre pays, les

Japonais renversèrent les Français, par un coup d’Etat, le 9-3-1945.

L’empereur Bao Ðai décréta l’abolition du traité de protectorat conclu avec

la France et confia à M. Tran Trong Kim la formation du premier

gouvernement du Vi.t Nam indépendant. En définitive, les pays de l’Axe,

Allemagne, Italie et Japon, furent vaincus par les Alliés, Angleterre,

France, Etats-unis, URSS, Chine. Le 19-8-1945, le Viet Minh s’empara du

pouvoir détenu par le gouvernement Tran Tr.ng Kim et proclama la

création de la République démocratique du Viet Nam. Mais peu de temps

après, la France cherchait à rétablir sa domination. Le 19-12-1946 une

guerre de résistance nationale se déclara contre les Français. Mais lorsque

le Vi.t Minh révéla sa vraie nature communiste, les partis nationalistes,

face au danger de se faire progressivement anéantir, se replièrent vers la

zone nationaliste contrôlée par un gouvernement différent de celui de la

zone de résistance, d’essence communiste.

Après la bataille de Ðien Biên Ph., les Accords de Genève de 1954

ont partitionné le pays en deux : le Nord devenait la République

Démocratique et le Sud, la République du Viet Nam. Le Nord se réclamait

ouvertement du bloc communiste et entama sans tarder le processus de

conquête du Sud par la force, qu’il dissimulait aux yeux du monde entier,

derrière sa créature que fut le Front National de Libération du Sud. Le Sud

Vi.tnam reçut l’appui des Etats-unis et des alliés du monde libre pour faire

pièce à l’expansion du communisme. Lorsque les troupes d’invasion du

Nord prenaient trop d’ampleur, les Etats-unis firent débarquer leurs soldats

dans le Sud. A partir de 1965, la guerre s’intensifia.

En 1972, après la rupture consommée entre l’URSS et la Chine, le

Président Nixon se rendit en Chine et y signa les Accords de Shanghai. Dès

4

lors, les Etats-unis n’ayant plus besoin de leur avant-poste contre le

communisme, laissèrent tomber la République du Vi.t Nam ! (L’ouvrage

« Lorsque les Alliés s’enfuient » du Dr. Nguyen Tien Hung révèle des

réalités affligeantes sur la trahison et la fuite des Américains.) Selon les

Accords de Paris de 1973, les Etats-unis devaient retirer leurs troupes du

Sud Vi.t Nam, et ne pouvaient laisser sur place qu’un certain nombre de

conseillers militaires alors que les troupes Nord vietnamiennes elles,

restaient stationnées au Sud ! Les communistes du Nord pouvaient ainsi

poursuivre leur invasion du Sud avec l’aide considérable du bloc

communiste international. Le Sud Viet Nam, quel que soit le courage avec

lequel il livrait sa guerre d’autodéfense, s’est trouvé acculé, en raison du

rationnement de munitions et de carburants, dans une situation intenable.

Le 30-4-1975, Sàigòn, la capitale, tomba. Commençait alors l’exode des

réfugiés fuyant le communisme, à la recherche de la liberté. La suite, vous

la connaissez avec suffisamment de détails.

De l’analyse des informations et des documents historiques.- De

nos jours, il y a pléthore d’informations. On a écrit énormément sur le Vi.t

Nam, sur la guerre du Vi.t Nam avec en plus des photos, des films. Mais

peu d’ouvrages ou de réalisations vraiment rigoureux. Des auteurs honnêtes

existent mais qui n’arrivent à rendre compte que d’un aspect de la réalité,

tels les aveugles de la fable bouddhiste qui cherchent à décrire l’éléphant en

le palpant. D’autres déforment sciemment la vérité pour des visées

personnelles. D’autres encore, - des religieux de surcroît -, affabulent dans

le but de calomnier. Le pire, c’est lorsque les tenants du pouvoir ou leurs

sbires se mettent à écrire l’Histoire. Alex Haley l’a écrit dans les dernières

lignes de son ouvrage « Racines » : « En fin de compte, l’Histoire est écrite

par les vainqueurs. » C’est pourquoi, nous vous demandons instamment à

vous et surtout à vos enfants, d’observer une extrême prudence et d’exercer

une intelligence vigilante lorsque vous abordez les documents écrits ou les

films sur le Vi.t Nam au 20ème siècle et au début du 21ème siècle, et ce,

quels qu’en soient les auteurs, même européens ou américains.

Pour nous, vos parents, le conflit qui a eu lieu dans notre pays, de

1954 à 1975, fut une guerre entre le Nord et le Sud, une guerre civile, une

guerre par procuration résultant de l’affrontement entre le bloc communiste

et le monde libre, une guerre livrée avec les armes des pays étrangers et le

sang du peuple vi.tnamien. Pour les populations du Sud, c’était une guerre

d’autodéfense. Pour les communistes du Nord, conditionnés par la

5

propagande et le dressage des masses, c’était une guerre livrée contre la

clique Américano-fantoche pour réunifier le pays. Les vainqueurs s’étaient

montrés arrogants et cruels, les vaincus eux, ravalaient leur sourde haine et

leur humiliation. Là gît le cœur des divisions profondes de notre peuple (à

vrai dire, il existe d’autres motifs de division.) Tant qu’on n’arrive pas à

faire changer ces deux façons de percevoir les choses, il serait vain de

parler de réconciliation nationale ! Des millions de morts, un pays réunifié,

mais les Vi.tnamiens restent encore profondément divisés dans leur cœur.

Des visites au Vi.t Nam.- Certaines personnes nous ont demandé si

nous étions déjà rentrés au Vi.t Nam. Notre réponse a été : « pas encore, et

pour des raisons de santé. » Beaucoup de monde sont rentrés au pays,

chacun y va de sa raison personnelle, de son but, de sa façon de voir les

choses ! Retourner au pays pour prendre soin de ses parents âgés ou

malades, pour s’occuper de ses proches, pour entretenir les tombes de ses

ancêtres, pour donner des cours aux étudiants, pour revoir son pays, voilà

des motifs légitimes. Rentrer pour porter secours aux victimes des

catastrophes naturelles ou pour aider des compatriotes dans le besoin, de

façon désintéressée, voilà une bonne action. Mais rentrer pour festoyer ou

pour s’amuser, pour faire du tourisme à bon marché, pour rechercher

honneur ou avantage voire pour quémander quelque distinction officielle,

alors il vaut mieux s’en abstenir.

Plus tard, si le pays changeait effectivement, vous pourriez ramener

vos enfants visiter notre patrie. Mais nous pouvons vous dire à l’avance

qu’ils ne seront pas particulièrement émus, - on ne saurait éprouver une

quelconque émotion si l’on n’a pas de souvenirs qui vous attachent à

quelque chose. Tâchez d’amener vos enfants à aimer notre pays, notre

peuple, nos compatriotes, et faites en sorte qu’ils ne se comportent pas en

vulgaires touristes. Quant à l’éventualité de vous voir vous installer et vivre

au Vi.t Nam, nous pensons qu’elle est peu probable.

De l’état actuel du pays.- Si quelqu’un vous dit que le pays a fait des

progrès (la majorité de la population arrivent maintenant à se procurer du

riz pour leurs repas, au lieu du misérable mélange de riz et d’avoine; les

motos et les voitures remplacent les vélos … ; c’est quand même

impensable qu’après trente années de paix, il n’y ait aucun progrès !),

sachez qu’il s’agit, en vérité, d’un constat de l’évolution du pays sur sa

propre trajectoire. Car si l’on compare le Vi.t Nam avec les pays voisins,

6

on doit avoir honte sur de nombreux sujets (même le Cambodge a un parti

d’opposition !). Si vous voulez connaître la réalité du Vi.t Nam qui se

cache derrière les buildings, les voitures rutilantes, les palaces cinq étoiles,

les terrains de golf dernier cri, informez-vous sur la situation à l’intérieur

du pays. Pour vous rendre compte de la déliquescence avancée de multiples

secteurs (en particulier l’éducation), de l’existence d’un capitalisme rouge,

de la corruption comme fléau national, de la gabegie des ressources de la

nation. Et rendez donc visite aux compatriotes vivant dans des régions

reculées et misérables. Nous avons besoin de connaître la vérité sans fard,

celle qui n’est peinte ni en rose ni en noir.

Pour vous faire une idée précise de la situation de notre pays,

procurez-vous l’exposé du Dr. Lê Ðãng Doanh, ancien directeur de

l’Institut Central de Recherche sur la Gestion à Hà N.i. Il a dit la vérité aux

plus hauts dirigeants communistes. Ce document vient de parvenir à

l’étranger. Dans une présentation qui est faite de ce texte, on peut lire :

« Chacun doit prêter attention aux chiffres qui rendent compte de la triste

réalité de l’économie vi.tnamienne. M. Doanh pointe du doigt les faiblesses

de l’économie et la nature antidémocratique du régime communiste au Vi.t

Nam. Partant de là, il affirme sans détour que les structures politiques sont

obsolètes, qu’il faut les changer » (Ngô Nhân D.ng, in quotidien Ngu.i

Vi.t du 30-3-2005).

M. Doanh rapporte une anecdote : un expert des finances

internationales lui a posé la question suivante: « Doués comme vous êtes,

comment se fait-il que vous êtes restés pauvres pendant si longtemps ?

Avec une telle intelligence, une telle tradition, pourquoi mendiez-vous tout

le temps ? Fixez-vous donc une date limite à partir de laquelle vous

cesserez de demander l’aumône. Est-ce possible ? » Quelle humiliation

pour nous tous ! Notre pays n’a pas que des incapables, notre peuple n’est

pas fainéant; pourquoi cette misère innommable ?

Eh bien ! c’est à cause de la dictature du Parti !

De l’attitude politique.- Non seulement les compatriotes à l’étranger

exigent l’abolition du Parti unique, mais des membres du parti communiste

mêmes, ainsi que les éléments progressistes dans le pays la réclament.

Comprenez bien : lutter contre la dictature, contre le parti unique, contre la

corruption, contre la ligne erronée des communistes ce n’est point se

dresser contre le Vi.t Nam, c’est, bien au contraire, plaider pour que le pays

puisse s’améliorer, progresser.

7

Certains pensent que les communistes vi.tnamiens ont changé pour

un peu de « renouveau ». Il faut savoir que c’est la conséquence de

l’effondrement du communisme en Europe de l’Est, de la lutte des

Vietnamiens à l’intérieur et à l’extérieur du pays, de la pression

internationale; c’est la menace de désagrégation du Parti qui a acculé les

communistes à des changements économiques (sans changer, pour autant,

sur le plan politique). Même si nous ne faisons pas de politique, nous

devons néanmoins avoir une attitude politique, nous devons continuer à

soutenir les luttes en vue d’instaurer dans notre pays une démocratie et une

liberté effectives.

Le Secrétaire Général du parti communiste a reconnu que les

communistes vi.tnamiens « avaient commis de nombreuses erreurs. » Nous

posons la question : si erreurs il y a eu, pourquoi ne pas les corriger,

pourquoi ne pas demander publiquement pardon au peuple, pourquoi ne pas

restituer les terres et les propriétés bâties aux particuliers et aux institutions

religieuses ; pourquoi ne pas indemniser les victimes de la réforme agraire,

celles de la répression contre les intellectuels et artistes dans l’affaire Nhân

Vãn-Giai Ph.m, celles des vagues de réforme de l’industrie, de l’artisanat

et du commerce ? Pourquoi ne pas accorder réparation à ceux qui ont été

envoyés en « camps dits de rééducation » et leur demander pardon ? En

vérité, tout le monde souhaite jeter haine et rancunes à la rivière, mais il

appartient aux communistes d’accomplir des actes concrets pour que le

peuple puisse les constater de visu. Clamer : « effaçons haine et rancunes,

tournons la page du passé, regardons vers l’avenir » sans rien faire de

concret ne rime à rien. Appeler à la « Grande Union » et la placer sous

l’égide du Parti (article 4 de la Constitution.) : à qui donc veut-on de la

sorte inspirer confiance ?

Des affaires familiales.- Parlons maintenant de nos affaires de

famille. Nous, vos parents, appartenons à une génération antérieure et nous

vous avons élevés suivant les normes de cette génération, tout comme vos

grands-parents nous avaient élevés d’après les normes de leur époque.

Parfois, il vous arrive sûrement de penser que nous avons été trop sévères.

Mais, c’était normal en ce temps-là. Nous espérons que vous oublierez les

peines, qu’à notre insu, nous avions pu vous infliger. Gardez bien présent à

l’esprit que nous n’avons pas cherché à mener la grande vie, que nous

n’avons rien gaspillé, que nous avons mené une existence faite de mesure et

de raison, que nous nous sommes efforcés de travailler et d’économiser

8

pour vous permettre de ne manquer de rien, de poursuivre des études

sérieuses, dans une atmosphère familiale chaleureuse.

Parce que nous avions été spoliés de tous nos biens par les

communistes, nous avions vécu un début fort difficile à l’arrivée dans ce

pays; nous avions dû accepter des emplois vraiment pénibles. Et vous aussi,

vous aviez travaillé dur pendant vos vacances et fait de sérieux efforts pour

vos études. A l’heure actuelle, tout paraît s’arranger, par la grâce du Ciel,

de Bouddha et de nos ancêtres.

Ne cultivez jamais l’autosatisfaction. Ne vous considérez jamais

comme supérieurs et talentueux. Rappelez-vous : « Si l’on regarde audessus

de soi, on se voit minable ; si l’on regarde au-dessous de soi, on

constate que personne n’est à sa hauteur ». Votre talent personnel, s’il

existe, ne compte que pour partie, le reste résulte d’heureux concours de

circonstances, des bienfaits intangibles hérités de vos ancêtres et de vos

vies antérieures voire de votre vie actuelle. Cultivez en permanence une vie

vertueuse afin d’améliorer votre karma, à l’instar de l’automobiliste qui

doit penser à recharger la batterie de sa voiture. Qui sème le bon grain

récolte de bons fruits. Telle est la loi de la causalité universelle qui ne

souffre d’aucune erreur !

En ce qui concerne votre petite famille, voici nos conseils : entre

époux, il faut vous respecter l’un l’autre, savoir faire des concessions

mutuelles. Des frictions sont inévitables; réglez les problèmes avec calme et

souplesse. La colère est de mauvais conseil, évitez la.

Vis-à-vis de vos enfants, il faut les aimer sans les gâter. Il faut

surveiller leurs fréquentations, vous rapprocher des parents de leurs amis

pour vous assurer de les connaître plus complètement; se faire entraîner

dans de mauvaises dérives par des amis est un phénomène tellement

répandu dans notre société ! Les séances de télé, de jeux vidéo et de

« chats » sont à limiter; par contre, il faut encourager la pratique de la

gymnastique et des sports. En ce qui vous concerne plus personnellement, il

faut inclure l’éducation physique dans vos occupations afin d’équilibrer

vos activités. Inspirez-vous de l’expérience de votre père : dans ma

jeunesse, je m’étais dépensé sans compter au travail, ce qui fait

qu’aujourd’hui dans mes vieux jours, mon corps « réclame justice », et je

suis fréquemment patraque.

Dans la vie de tous les jours, soyez économes ( mais non avares);

pensez à la défense de l’environnement car les ressources du monde sont

limitées; nous nous devons de penser aux générations suivantes. Pas de

9

gaspillage, ne serait-ce qu’un kleenex pour vous nettoyer les mains. De

temps en temps, faites voir à vos enfants des photos et des films qui

montrent des gosses souffrant de faim et de froid afin qu’ils sachent qu’en

ce bas monde, beaucoup de gens sont encore dans la misère.

Entre frères et sœurs, retenez bien les adages suivants : « prendre soin

de son frère comme de sa main ou de son pied»; « quand la sœur aînée

tombe, la cadette doit la relever »; « une goutte de sang a plus de valeur

qu’une mare de flotte »; « qu’un cheval tombe malade, et toute l’écurie

arrête de s’alimenter. » Le secret réside dans l’application du mot x. (

NDT : abandonner, sacrifier, pardonner). Ne tenez pas rigueur à vos frères

et sœurs pour leurs défauts. La déchirure entre vous nous ferait de la peine,

énormément.

Dans cette société, chacun est si préoccupé par sa propre famille qu’il

lui arrive, à son corps défendant, de négliger la grande famille. Mettez à

l’honneur les sentiments de solidarité au sein de la grande famille. A vous,

nos filles et belles-filles, nous vous enjoignons d’aider vos époux respectifs

à maintenir des relations d’affection avec vos frères et sœurs, de même

qu’avec les collatéraux, tant du côté paternel que du côté maternel.

De la pratique de la langue vi.tnamienne à l’étranger.- Quelques

points méritent d’être discutés. Vos enfants, qui sont citoyens du pays

d’accueil, y grandissent avec tous les droits et devoirs afférents. L’existence

quotidienne à l’école ainsi qu’en société les oblige à parler Anglais et/ou

Français, à les parler et à les écrire impeccablement, faute de quoi, ils

courraient le risque d’une mauvaise intégration, d’être isolés et d’être mal

considérés. Une fois chez vous, ils communiquent entre eux avec ces deux

langues. Bien que vous les obligiez à parler Vi.tnamien en famille, nous

avons l’impression que leur Vi.tnamien laisse à désirer. Ne le parlant pas

très bien, ils l’écrivent encore pire, parce qu’ils ne s’exercent pas

fréquemment à la lecture ou à l’écriture. Quelques heures de mise à niveau

en fin de semaine au Centre d’études vi.tnamiennes avec une institutrice, -

aussi dévouée soit-elle -, ne suffisent pas. Le système des vocatifs

vi.tnamiens est parmi les plus complexes du monde.

Nos compatriotes d’outre-mer rappellent constamment la nécessité de

maintenir l’usage du Vi.tnamien; nous pensons la même chose. Mais à bien

y réfléchir, un enfant ne saurait être la fusion de deux enfants (vi.tnamien

et canadien, ou bien vi.tnamien et américain.) Si la pression exercée est par

trop importante, les enfants ne tiendront pas le coup. De surcroît, il y a les

10

sports, la musique. En conséquence, nous devons choisir une posologie

adaptée, pour éviter de transformer l’enfant en une « machine à étudier ».

Vos enfants doivent s’élever dans ce pays. A vous donc de les préparer à

s’adapter de façon adéquate à leur environnement pour une qualité de vie

satisfaisante.

De la société occidentale.- C’est une société de consommation

poussée jusqu’à l’excès. Ne vous laissez pas attraper trop légèrement par

des techniques habiles de marketing qui vous incitent à consommer sans

limites. Nous sommes les proies faciles de la publicité alors même que nous

sommes encerclés, conditionnés par les banques et les compagnies

d’assurance. Appliquez la formule « diminuer les désirs, se satisfaire de

peu », n’achetez que le nécessaire. Ainsi de la maison et des voitures.

Qu’elles soient dans vos moyens et satisfaisantes pour la vie et le travail de

tous les jours, ce sera bien. Evitez de trop vous endetter. Mieux vaut

s’épargner des soucis. Ce n’est pas de la théorie gratuite que nous vous

prodiguons. Si la société actuelle s’affaisse sur les plans moral et spirituel,

c’est parce qu’on se tourne trop vers l’extérieur, qu’on est trop matérialiste,

trop égoïste et qu’on n’arrive à trouver le bonheur nulle part. Il faut moins

d’égoïsme. Pensez aux autres et sachez partager avec vos semblables.

De nous, vos parents, en particulier.- L’âge appelle la maladie, et le

malade finit par s’en aller… pour de bon ! C’est la loi de la nature. Quand

arrivera ce jour, arrangez-vous pour nous organiser des funérailles dignes

mais simples. Nous souhaitons bénéficier du rituel bouddhique. Nous

mettre en terre dans un cimetière pourrait vous poser des problèmes de

conscience si jamais, dans l’avenir, vous êtes appelés, par votre travail, à

vous éloigner, ce qui vous empêcherait de prendre soin de nos tombes.

Nous optons pour la solution crématoire, plus pratique, et qui ne prend pas

de place, car les terrains seront indispensables pour les générations futures.

Vous pourriez disperser nos cendres sur la montagne ou sur un fleuve voire

dans l’océan. Poussière, nous retournerons à la poussière, voilà tout ! Au

lieu de dépenser dans les frais de réception pour remercier ceux qui sont

venus, vous feriez mieux de garder l’argent pour contribuer à des œuvres

d’intérêt collectif. N’ayez pas peur de vous faire critiquer, les gens finiront

par comprendre et vous approuveront.

Un point précis : si, par malheur, nous tombions malades et plongions

dans une vie végétative, ayez le courage de faire débrancher les tuyauteries

11

de survie; pourquoi prolonger ce genre de vie qui ne peut que poser des

problèmes à tout le monde ?

De l’autel familial.- Dans le mode de vie actuel, ce n’est pas très

simple d’installer un autel chez soi. Si vous pensez à nos ancêtres, aux

grands parents paternels et maternels, à vos parents, vous pouvez exposer

des photos à l’endroit le plus convenable de la maison pour témoigner à la

fois de votre respect et de votre engagement à ne rien faire qui puisse porter

atteinte à l’honneur de la famille. Le jour anniversaire de notre disparition,

préparez une petite table sur laquelle vous disposerez une tasse d’eau pure,

quelques fleurs parfumées, des fruits frais et une baguette d’encens (une

baguette électrique ferait aussi bien l’affaire). Ce serait suffisant. C’est

votre vrai amour et celui de vos enfants qui auront le plus de prix. Nous

mentionnons bien « vos enfants » pour vous rappeler la nécessité de leur

faire percevoir la signification que le peuple vietnamien confère à la

célébration du jour des morts de la famille. Au cours de ces jours

anniversaires, mettez le Bien au centre de votre pensée, accomplissez

davantage d’actes de bonté qu’aux autres jours, donnez quelque peu aux

pauvres, récupérez les vêtements usagés pour les offrir aux associations

caritatives. Si, à ces occasions, tous vos frères et sœurs se réunissent au

même endroit, ce sera très bien car les liens de famille se raffermissent en

ces circonstances. Faites l’effort d’organiser de telles réunions, s’il vous

plaît.

Nous espérons que vous lirez cette lettre attentivement, que vous y

réfléchirez en profondeur, et que vous vous efforcerez de réaliser nos

recommandations.

Nous vous remercions de vous être toujours occupés de nous, depuis

tant d’années, et d’avoir fait le nécessaire pour que nous puissions jouir de

notre vieillesse, dans la sérénité.

Nous vous embrassons, très, très, très fort,

vous tous, nos enfants et petits-enfants.

Papa et Maman

12

Traduit par Nguy.n Ng.c Qu., avec le concours actif de l’auteur.

NB. L’opinion de l’auteur ne reflète pas obligatoirement celle du traducteur.