carnets de lecture
par Enrique Vila-Matas
UNE AME BELLE
Raul Escari est le dandy le plus secret de Buenos Aires

Marguerite Duras est l'auteur (à ce jour, anonyme) de l'un des plus célèbres graffitis de Mai 68 : « Soyez réalistes, demandez l'impossible! » C'est l'Argentin Raul Escari qui le révèle dans son livre autobiographique Dos relatos portenno(1). Né à Buenos Aires en 1944, Escari n'avait encore écrit aucun livre et il avait toujours incarné pour moi la figure de l'âme belle au sens romantique: incarnation de la moralité, non comme règle ou devoir, mais comme effusion du coeur ou de l'instinct. Il était, par ailleurs, jusqu'à présent le plus grand prototype du bartleby: malgré son immense talent pour l'écriture, il avait toujours préfère ne pas. II a residé très longtemps à Paris, a été l'ami de Duras et de Barthes, et maintenant il vit et se promène dans sa ville natale dont il est le dandy le plus secret. II figure dans plusieurs romans écrits par ses amis. II se cache, par exemple, derrière Maria Lima Mendez dans mon Bartleby et compagnie. Et le poète espagnol Jose-Miguel Ullán l'a défini ainsi: « Un être intelligent et raffine, véritable écrivain qui refusait d'écrire, le plus brillant du cercle des jeunes amis de Duras dans les années 1970. »
II peut sembler un personnage inventé, pourtant il est tout le contraire, c'est l'un des êtres les plus réels que j'aie connus. Marguerite Duras avait, elle aussi, l'immpression qu'Escari était très réel, plus vrai que d'autres personnes. C'était un bon ami à elle et il vient d'écrire un livre qui est une sorte d'histoire parallèle à celle de mon Paris ne finit jamais, dont il est précisément le personnage stellaire. Sa version de ces jours est un peu diffferente de la mienne, inconntestablement gay et la grande âme belle qu'il est met l'accent sur des détails qui ne sont qu'en apparence banals, par exemple il en a assez d'imiter le geste d'Audrey Hepburn dans Vacances romaines: fermer le col de la robe de chambre avec la main droite tout en rajustant la ceinture avec la gauche.
Nous ses amis savons qu'il le faisait à merveille. Comme nous savons aussi que, lorsqu'il s'est enfin décidé a écrire, il l'a fait avec une élégance extraordinaire et sophistiquee. L'écriture de son autobiographie est directe, proche du degré zéro, presque documentaire. II veut que tout soit pris au pied de la lettre. Et c'est ainsi que nous le prenons, littéralement, quand il raconte, par exemple, que Barthes lui avait dit au Flore qu'il était allé, une fois, consulter Lacan pour lui raconter son amour fou pour un garcon et que Lacan, après l'avoir écouté un bon moment sans dire un mot, s'était contente de lui dire à la fin: « Laissez tomber ce garcon. » Lacan n'avait rien ajouté. « C'est étrange que des mots aussi banals, aussi plats, aient pu avoir sur moi un tel effet, immédiat, radical. J'ai mis un terme à la relation et je me suis consacré au séminaire Le Discours amouureux », avait conclu Barthes.
Les mots simples d'Escari lui-même dans son livre nous font parfois le même effet immédiat, radical. Par exemple, quand il parle de ses relations avec son ami intime, l'écrivain et dessinateur Copi. II raconte que, le lendemain de son incinération, il était allé avec Michel Cressole et Guy Hocquenghem chez la mère du défunt et, sans s'en rendre compte, suite a une confusion, ils avaient rempli une pipe de hasch avec les cendres de Copi. II rappelle aussi que, très longtemps après, Michel Cressole lui avait demandé: « Tu te souviens du jour où nous avons fumé les cendres de Copi? »
II rappelle aussi qu'un jour, à Neauphle-le-Château, il regardait avec Duras la télevision et une chorale est tout à coup apparue sur l'écran. “Une chorale a toujours quelque chose d'humble”, avait immédiatement dit Marguerite Duras. Je crois que c'est avec une géniale humilité qu'Escari a écrit ses mémoires, conscient qu'ils reposent autant sur son intelligence et son talent que sur la finesse des portraits des amis ou des connaissances (Barthes, Copi, Lacan, Arrieta, Marie-France, Mascolo, Francis Bacon, Duras, Javier Grandes, Sarduy, Martine Barrat, Burroughs et autres) qui composent l'humble mais brillante structure chorale du livre.+
Traduit de l'espagnol par André Gabastou
(1) Éditorial Mansalva (Buenos Aires, 2006, inédit en francais).
Le Magazine Littéraire Février, 2007

Cái câu phán đơn giản, ‘với những từ tầm thường’, "des mots aussi banals, aussi plats", của Lý Trác Ngô, phải được vinh danh bằng… một nhà văn như là Copi: Mặc dù tài năng thì thật là bao la, nhưng bèn chọn lựa: đếch thèm viết!

Vẫn thua NTV:
Tao không viết, không phải bởi vì vấn đề ‘hay hay không hay’, mà sợ rằng, tư tưởng của tao, nếu đúng thì không sao, nhưng nếu sai thì bỏ mẹ thiên hạ!